Bien aménager, pour plus de sécurité
À l’heure où les mobilités douces se développent, l’aménagement des zones de circulation dédiées pose la question de la qualité sécuritaire des équipements mis en place. Fidèle à ses missions d’évaluation, d’analyse et de recommandation, DEKRA a réalisé des tests dont les résultats ne surprennent pas.
Organiser un espace partagé
Les feux de signalisation, les systèmes d’éclairage, les panneaux indicatifs et, bien sûr, les poteaux de circulation… tous ces équipements jouent un rôle important dans la régulation des flux et la mise en sécurité de l’ensemble des usagers. Pour autant, ils peuvent également devenir des obstacles si un véhicule (vélo, vélo-cargo, trottinette) modifie sa trajectoire, volontairement ou non. Karine Bonnet, directrice générale de DEKRA Automotive, en explique les enjeux : “les matériels de signalisation et de guidage sont indispensables pour informer et baliser, mais, selon leur nature, ils peuvent aussi devenir des obstacles à l’origine d’accidents, ou aggraver les conséquences d’une chute.”
Au moment où pistes cyclables et voies piétonnes se multiplient et que leurs usagers co-existent, il était indispensable de mesurer les enjeux liés à la qualité des équipements installés : “Dans le cadre de l’édition de notre rapport 2024 de sécurité routière, intitulé “Espaces de circulation centrés sur les humains ”, nous avons soumis un vélo-cargo à deux crash-tests contre des poteaux de balisage, le premier étant souple et le second rigide. Les résultats sont éloquents.”
Adapter les matériels
De quoi parle-t-on exactement ? Outre le marquage au sol permettant de matérialiser les pistes cyclables ou les voies piétonnes, les poteaux ont pour premier avantage d’être identifiés quelles que soient les conditions météorologiques ou la puissance d’éclairement. En outre, ils permettent aussi d’empêcher d’autres véhicules de stationner sur la voie réservée qu’ils délimitent, ou même de l’emprunter abusivement. Les poteaux sont également utilisés pour créer un obstacle visuel aux intersections et aux carrefours. Encore faut-il s’assurer de leur innocuité au cas où un usager heurterait l’un d’entre eux.
Pour ses tests, DEKRA a eu recours à un vélo-cargo dont l’encombrement latéral suggère un risque de choc potentiellement plus fréquent. Lancé à la vitesse de 25 km/h contre un poteau rigide (premier cas), on remarque que la décélération brutale déplace le mannequin biométrique de la selle vers le guidon. Sous la force de l’impact, la borne se plie partiellement, faisant ainsi office de rampe sur laquelle le vélo-cargo glisse avant de se renverser, entrainant naturellement la chute du mannequin. Markus Egelhaaf, chercheur en accidentologie chez DEKRA, est formel : “Dans cette configuration, il apparaît que la personne conduisant le vélo-cargo peut subir des blessures graves.”
Le recours à un poteau flexible (second cas) change sensiblement la donne. Au moment de l’impact, on constate que le poteau plie, se couche sous le vélo-cargo, puis se redresse. Le véhicule n’étant pas déstabilisé, le conducteur reste en place et ne subit aucune atteinte corporelle. Les autres usagers (vélos classiques, trottinettes), pourtant moins stables, ont toutes les chances de garder leur équilibre. Ce type d’équipement possède en outre l’avantage de ne pas causer de dommage lors d’un contact avec un véhicule motorisé.
Généraliser les implantations
On comprend qu’il est dans l’intérêt de tous les usagers que ce type d’équipement soit massivement adopté. Markus Egelhaaf ajoute : “En 2017, nous avions déjà démontré qu’en cas de chute et de collision avec les poteaux rigides marquant la trajectoire d’une courbe, les passagers d’une moto sont exposés à des risques de blessure grave.” Parallèlement, des études menées par le ministère néerlandais de l’Infrastructure et de l’Environnement montrent qu’environ la moitié des accidents de vélo sont, pour partie, causés par un ou plusieurs facteurs liés aux infrastructures. Selon une étude publiée en 2008, les poteaux et matériels du même type représentaient déjà 12 % de ces accidents.
À terme, le nombre de véhicules dédiés à la mobilité douce, tout comme leur vitesse moyenne, va augmenter, accroissant de façon exponentielle le risque d’accidents. On ne peut donc qu’inciter les collectivités locales à opter pour des matériels normés, à structure déformable, qui assureront leur mission première de signalisation et de matérialisation des voies réservées, tout en diminuant le risque physique des usagers en cas d’accident.