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Au secours, la BNF prend l’eau !

Les syndicats dénoncent depuis des années « le caractère récurrent des inondations survenant à intervalles réguliers sur le site de Tolbiac ».

Le vieux président Mitterrand, sentant sa fin prochaine, se fit réélire un dimanche de mai 1988. Deux jours plus tard, le 10 mai, il convoquait en secret à l’Élysée Émile Biasini. Il lui dit alors (c’est Biasini qui raconte) : « Nous avons maintenant du temps devant nous et je veux construire une grande bibliothèque, je veux que vous la fassiez avec moi. » Pour plus de simplicité, il le fit entrer aussitôt au gouvernement comme secrétaire d’État chargé des Grands Travaux.

Le 14 juillet, les Français apprenaient ainsi qu’ils allaient devoir financer (en plus de l’Opéra, de la Grande Arche et de quelques autres fantaisies ruineuses) « la création d’une très grande bibliothèque, d’un type entièrement nouveau, […] qui devra couvrir tous les champs de la connaissance et être à la disposition de tous ». Sur l’air de « c’est mon papa qui a la plus grande », le dossier de presse vantait le grand œuvre du Président : la Bibliothèque de France sera « au moins pour un temps la plus grande du monde », elle va « doter notre pays de l’instrument intellectuel le plus performant du monde » et fera entrer « la nation entière dans une ère nouvelle, celle de l’échange et du partage »… L’utopie égalitaire du citoyen-lecteur-amateur-d’opéra battait alors son plein.

Les Anglais ont pris vingt ans pour repenser la British Library. Mitterrand était pressé, l’affaire a été vite torchée et son vœu respecté à la lettre : sa bibliothèque était bien unique en son genre.

Quatre tours de verre en forme de L formant les coins d’une dalle rectangulaire de 7,5 hectares posée sur une volée de marches en bois exotique. 20 mètres en dessous, un hectare de forêt pour la « méditation » des lecteurs. On prétendait alors stocker les livres dans les tours équipées de verre fonçant au soleil ! De polémiques en scandales, il fallut en rabattre. Sauf sur le prix qui ne cessait de grimper.

On a finalement décidé de déménager à Tolbiac « toute » la bibliothèque Richelieu, et pour cela on a supprimé les parkings et creusé un espace de 80 000 mètres carrés pour stocker les ouvrages. Sous le niveau de la Seine qui coule juste à côté. Dès le début, l’hypothèse a été avancée de possibles infiltrations du fleuve ou de remontées de la nappe phréatique dans les sous-sols. Le Bureau des recherches géologiques et minières a estimé que ces ruissellements pouvaient atteindre 100 m3. On a mis 20 pompes en batterie. Prévues pour les circonstances exceptionnelles, elles fonctionnent à plein temps. Mais la BNF prend aussi l’eau par en haut.

En avril 2004, une importante inondation endommageait sévèrement les collections de la tour 1 (nord-ouest), affectée aux ouvrages d’histoire, de religion et de théologie. Une fuite survenue au douzième étage, dans le système de sécurité incendie, l’eau se répandait jusqu’aux magasins du huitième niveau. Résultat : des milliers de documents gravement détériorés (400 à 500 mètres linéaires). En 2007, un audit du bâtiment révélait « l’état pour le moins préoccupant des conduites d’arrivée et d’évacuation des fluides ».

Depuis dimanche soir dernier, 12 janvier 2014, la Bibliothèque François-Mitterrand subit un nouveau désastre. La rupture d’une canalisation a provoqué une importante fuite d’eau dans les magasins du département Littérature et art. « Des équipes ont été immédiatement mobilisées pour évacuer et traiter les collections concernées […] entre 10.000 et 12.000 documents selon les premières estimations, endommagés “à des degrés très divers de gravité” », annonce le communiqué de la BNF.

Les syndicats dénoncent depuis des années « le caractère récurrent des inondations survenant à intervalles réguliers sur le site de Tolbiac » et « l’absence de mesures pour protéger les collections nationales ».

À l’évidence, ce n’est pas un sujet prioritaire pour le ministère de madame Filippetti. Et pas non plus une information pour les grands médias.

Si la Seine connaît une crue majeure au printemps, que va-t-il se passer ?

Marie Delarue
Ecrivain, musicienne, plasticienne.
source Boulevard Voltaire

1 commentaire

  • La conception de base du batiment est fautive. Le pire est que le principe de cette bibliotheque est une « museification » du livre, ce qui explique pourquoi les considerations simplement fonctionnelles ont ete ignorees. C’est plus un lieu que l’on visite: La reservation des places est tres malaisee et l’ambience fliquee sinistre, rebarbative a la simple lecture et la recherche aleatoire sans tout organiser a l’avance, l’oppose de ce qu’est la recherche… Lire les excellent livres de Mandosio: « L’effondrement de la tres grande Bibliotheque de France », et aussi « Apres l’effondrement » de loin ce qui s’est fait de mieux sur le sujet. G.

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