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Maîtres-nageurs ou l’art d’emmerder le monde…

Il paraît que l’on peut à nouveau nager dans les piscines parisiennes. Après dix mois de grève (à l’initiative de la CGT et FO), les 300 maîtres-nageurs sauveteurs de la capitale viennent enfin de trouver un accord avec la Mairie de Paris. Il était temps, les usagers commençaient à devenir plus que nerveux.

maitre-nageur

Dans les doléances des maîtres-nageurs, il y avait, pêle-mêle, la remise en cause des cours de natation individuels dispensés pendant leurs heures de travail (soit l’exercice d’une activité privée sur le temps de travail rémunéré par la municipalité) pour instaurer un système plus transparent, la crainte que leur activité de surveillance soit transférée à des bénévoles ou à des étudiants, et le mécontentement de voir les cours de natation des primaires échoir pour moitié aux professeurs de la ville de Paris. Un mécontentement si vif que, ici et là, des maîtres-nageurs en seraient venus aux mains avec les profs. (Et qui surveillait les enfants pendant ce temps ? L’histoire ne le dit pas).

Évidemment, loin de moi l’idée de remettre en cause la pénibilité du métier de maître-nageur dans la capitale. Si vous croyez que, dans les piscines de Paris, c’est alerte à Malibu tous les jours… Les filles à crinière fauve et tanga brésilien qu’il faut aller sauver dans les vagues ne sont pas légions. En plus des verrues plantaires, on y rencontre surtout des mémés pratiquant l’aquagym pour l’ostéoporose et des sales gosses qui font la bombe en sautant et vous éclaboussent partout… Néanmoins, dix mois de grève, est-ce bien raisonnable ? Et d’ailleurs, comment est-ce possible ? Facile : « Ils font grève une heure par jour et à tour de rôle, car il suffit qu’un maître-nageur sur quatre se mette en grève pour fermer tout un bassin. La grève ne leur coûte quasiment rien et leur pouvoir de nuisance est énorme. » témoigne un parent dans Libération. Un pouvoir de nuisance contre qui, au fait ? La mairie de Paris ? Ils ont fait boire la tasse à Delanoë ? L’ont forcé à faire la nage papillon, le dos crawlé, le saut de l’ange ? L’ont plongé dans le pédiluve pour lui refiler des mycoses ? Ben non, bien sûr, contre le quidam moyen qui n’y peut rien. Forcément, on ne change pas une recette qui gagne.

Il ne faut pas sous-estimer les maîtres-nageurs, ce n’est pas parce qu’ils sont musclés qu’ils sont plus idiots que les autres, tiens : ils savent bien, comme tout un chacun, (confère certaine manifestation dominicale et certaine pétition récentes) que la démocratie en France, ce n’est pas le pouvoir du plus grand nombre, c’est le pouvoir des plus grand bronx. Protester sans emmerder le monde ? Autant siffler dans un violon.

Qu’ont donc fait, d’ailleurs, il y a quelques semaines, chauffeurs de taxis et ambulanciers qui, comme les maîtres-nageurs, craignaient d’être mis en concurrences avec des « amateurs » (la nouvelle loi de financement de la Sécurité sociale stipulant qu’ils n’auront bientôt plus le monopole des transports médicalisés) ? Une « opération escargot ». Et tant pis si leur activité, pour le coup, ne relève pas du loisir dont on peut à la rigueur se passer. Les impotents aimeraient bien, eux aussi, se mettre en grève mais la maladie est un patron assez peu compréhensif.

Enfin, en ce qui concerne les maîtres-nageurs, tout est bien qui finit bien : la mairie s’est engagée à donner des garanties à toute la « filière aquatique ». Pour le litige qui les oppose aux profs, notamment, on va profiter de la fameuse réforme des rythmes scolaires pour augmenter le volume de cours de natation dans le « périscolaire », cours que les maîtres-nageurs assureront. Oui, mais qui dit réforme des rythmes scolaires, dit aussi grève des profs ? S’il y a grève des profs, qui va garder les enfants ? Aucun problème : Ce seront les parents eux-mêmes. Comme on peut tabler concomitamment, au rythme où l’on y va, sur une opération escargot et sur une grève des transports en commun, ils n’auront, de toutes les façons, plus aucun moyen pour aller bosser. Ben alors, qui a dit que le gouvernement n’était pas capable de trouver des solutions aux conflits sociaux ?

 

Gabrielle
Cluzel
Ecrivain, journaliste.

source -Boulevard voltaire

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