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Robin des Bois version télé-crochet : spectacle Kleenex pour public ciblé

De l’art jetable. Un peu comme la politique d’aujourd’hui…

Robin des Bois fait-il toujours rêver ? Assurément ! Le héros de la forêt de Sherwood, après avoir été largement représenté au cinéma (près de 25 films, dont le premier en 1912) ou à la télévision (une dizaine de fois) en série, en dessins animés, en parodies, en épisode de Star Trek ou en manga français, est également désormais une comédie musicale, grâce à Roberto Ciurleo : Robin des Bois (Ne renoncez jamais).

Que ce dernier soit un ancien juré de « Popstars » sur M6 n’étonnera pas car cette comédie musicale est à l’évidence destinée au public de la télé-crochet… dont la plupart des chanteurs ont été révélés par celle-ci, à commencer par la vedette M. Pokora (Robin), qui remporta voilà une décennie la saison 3 de « Popstars » ; Stéphanie Bédard (Marianne) a été finaliste de la « Star Académie » en 2005, Caroline Costa (Bédélia) a terminé deuxième d’« Incroyable talent », à douze ans, Sacha Tran (Adrien) est passé par « The Voice » en 2011… Tout cela se sent… et s’entend ! Surtout comparés aux autres interprètes qui n’ont pas le même parcours : Nyco Lilliu (Frère Tuck), Dumè (sire Vaisey, le shérif de Nottingham) ou encore Marc Antoine (Petit Jean)…

On regrettera un scénario sans doute écrit par quelqu’un de chez Weight Watchers qui a mélangé le mythe du hors-la-loi au grand cœur avec celui de Roméo et Juliette (le fils de Robin des Bois a « pécho » la fille du shérif, d’où fureur paternelle) et qui nous offre une happy end à la guimauve s’il en est : le bon roi Richard unit Marianne et Robin en même temps que leurs fils et sa conquête, après avoir réconcilié les deux pères ennemis. Entre les deux, quelques rebondissements chantés que l’on a du mal à suivre, faute d’explications claires…

Certes, le spectacle est sympathique, avec des décors réussis tout comme les effets spéciaux (particulièrement un ballet nocturne de silhouettes lumineuses), des danseurs-acrobates remarquables… ainsi qu’un garçon d’une dizaine d’années qui fait à plusieurs reprises de remarquables saltos arrière…

Les chansons ne feront sans doute pas date, d’autant que les paroles – aucun tube probable à l’horizon – sont couvertes par la musique elle-même. Chansons qui, selon les dires d’un professionnel assis dans la salle, sont « sans créativité aucune », bien qu’écrites par une douzaine de compositeurs dont Corneille et David Hallyday…

Tout cela est « ciblé pour un public de minettes », m’explique ce musicien, « mais pourquoi pas ? ». Pour l’occasion, ce dernier était accompagné d’un lycéen presque majeur modérément emballé, de son frère de douze ans à l’enthousiasme, lui, débordant, de sa grand-mère ravie de la soirée et de parents bon public sans être dupes : un panel assez représentatif du public, somme toute.

En résumé, Robin des Bois (Ne renoncez jamais) a déjà fait le plein au Palais des congrès de Paris et continuera sans doute de le faire aux six coins du pays tout au long du prochain semestre, mais ne restera pas dans les mémoires (et ne reviendra pas à Paris, officiellement, a indiqué la productrice, pour cause d’emploi du temps trop chargé de M. Pokora)… On doute toutefois qu’il traverse un jour l’Atlantique : face aux comédies musicales de Broadway, ce Made in France donne un peu l’impression d’être Kleenex : deux heures et demie sans vraiment s’ennuyer, mais sans souvenirs précis, sitôt après avoir quitté les lieux.

De l’art jetable, donc. Un peu comme la politique d’aujourd’hui…

 

Philippe  Randa

Écrivain et éditeur
Fondateur du

Philippe Randa – Francephi

francephi.com/philippe-randa/

source-Boulevard Voltaire

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