Dans le XIe arrondissement, mieux qu’un resto chinois, c’est une institution. Découvrez les riches heures du Président, entre paillettes, limousines blanches et déjeuners à petits prix.
A l’angle de la rue de Belleville et du boulevard du même nom, c’est comme un paquebot. Un repère dans le quartier avec son enseigne énorme, son supermarché, ses deux lions à l’entrée. Mais il faut pénétrer à l’intérieur pour comprendre la magie du lieu, sa démesure, son ambiance. Et plonger dans une Asie de pacotille, une chine de dragons dorés et velours rouges, à mi-chemin de l’opéra et de la fumerie d’opium, véritable chinatown de studios.
Tsaï Wu-To, chef de salle du fameux restaurant, confirme que plusieurs tournages ont d’ailleurs eu lieu ici. Des films de Hong-Kong bizarrement. « Le comédien a été obligé de manger sa soupe dix fois s’amuse-t-elle, ça n’a pas eu l’air de lui plaire. »
La force tranquille
Le menu justement, il a peu changé depuis 1987, date d’ouverture de cet établissement phare pour la communauté chinoise de Paris. Sauf qu’il s’appelait alors le Royal Belleville.
Comment cette enseigne s’est-elle convertie aux vertus républicaines ? C’est là que commence la légende. Un beau jour de 1991, les lieux sont investis par des hommes en costume. Des berlines se garent dans la rue en contrebas. François Mitterrand arrive, pour un dîner avec les parrains de SOS Racisme. C’est le déclic, les propriétaires font leur révolution.
François Mitterrand au Président
Les années 90 seront un âge d’or pour le Président. Politiques, acteurs, chanteurs et même quelques altesses, ils vont tous passer par là. Des photos jaunies témoignent encore de ces heures entre paillettes et protocole.
Serge Gainsbourg
Wu-To assure d’ailleurs que ça continue. Il y a de la place, on vient ici pour un banquet. Députés, ministres, édiles se pressent. « J’ai un peu honte, mais je ne suis pas la politique, alors je ne connais pas les noms. » Et puis ces murs restent un repère de choix pour les sommités chinoises de passage dans la capitale.
Limos blanches et toasts obligatoires
Mais le vrai filon pour le Président, ce sont les mariages. Sur son escalier monumental, des familles entières peuvent prendre la pose pour une photo souvenir. « Les gens réservent un an et demi à l’avance, témoigne Wu-To. »
Pas tellement parce que les lieux sont pris d’assaut d’ailleurs. Mais il faut s’assurer que le grand événement va bien coïncider avec un jour faste du calendrier chinois.
Ensuite, c’est presque toujours le même déroulement. La limousine blanche qui manœuvre dans la rue de Belleville, les invités qui arrivent les uns après les autres, donnent leur cadeau, se font photographier avant de monter à l’étage. A partir de là, il est préférable que les mariés soient endurants. « Ils doivent boire un verre avec chaque membre de la famille, ça finit par faire beaucoup, raconte Wu-To. »
Du Cambodge au Wenzhou
Au cœur du quartier chinois, le Président est un phare. Un indicateur aussi. Longtemps, il fut tenu par un couple de Cambodgiens. Aujourd’hui, Monsieur Chen a pris la relève, un homme d’une quarantaine d’années, originaire du Wenzhou. Une évolution qui correspond à celle du quartier, où la population venue d’Asie Sud-Est cède progressivement sa place aux Chinois de cette petite province côtière, située quelques part à 400 km au sud de Shangaï.
Crédits photo : Mairie de Paris/Marc Verhille