Arès ses douze travaux, Hercule, lui, au moins, se reposa. Suite à sa grandiose participation à la récente élection présidentielle (même Éric Zemmour a fait plus de voix sur la capitale), Anne Hidalgo rechigna, elle, à prendre quelques vacances plus ou moins bien méritées, pour mieux se consacrer à son grand œuvre : l’interdiction quasi définitive de l’intrusion des non-Parisiens dans ce qui demeure de Ville Lumière.
Ainsi, le boulevard périphérique permettant à des centaines de milliers de gueux d’aller salir cette ville inclusive et bienveillante de leurs chaussures crottées et de leurs voitures fonctionnant encore au diesel devrait être soumis à un régime des plus sévères. Déjà qu’on s’agglutinait dans des embouteillages sans fin sur quatre voies, voilà que le maire de Parisnous annonce que de quatre, nous devrions bientôt passer à trois. Et que l’une d’elles devrait, en 2024, à l’occasion des Jeux olympiques de Paris, être réservée à nos amis championnes et champions, avant d’être ensuite dévolue aux seuls taxis, bus et voitures dédiées au sacro-saint covoiturage.
Prochaine étape ? Des feux rouges et des ralentisseurs ? Nous n’y sommes pas encore, mais qui sait… En revanche, passées de 80 km/h à 70, il n’est pas encore question que les limitations de vitesse tombent à 50 km/h. Mais ne désespérons pas, cette même limitation étant déjà tombée à 30 km/h dès le périphérique passé. Pour justifier ces nouvelles restrictions de libertés, Anne Hidalgo entend « verdir l’axe routier entourant la capitale ». Après 18.000 arbres plantés sur le boulevard périphérique, 50.000 devraient l’être à leur tour, tel qu’en témoigne un montage photo, intitulé « Vers la nouvelle ceinture verte ».
Au-delà des mantras écologistes devenus bréviaire de cette municipalité gérée par des esprits de plus en plus erratiques, une constance demeure : Paris doit être un sanctuaire muséifié réservé aux Parisiens, quitte à négliger ce simple détail voulant que 80 % des automobilistes empruntant chaque jour le périphérique viennent de la banlieue, celle des cités de l’immigration ou de la France des ronds-points. S’ils se rendent à Paris, ce n’est pas pour aller faire du lèche-vitrine avenue Montaigne, défiler à la Gay Pride ou faire mumuse à Nuit debout, mais juste pour venir travailler. Bref, la priorité nationale, tant reprochée à Marine Le Pen au nom de la morale, serait vertueuse une fois devenue préférence parisienne…
Mais de ce Paris, ville autrefois joyeuse, bruyante et industrieuse, Anne Hidalgo ne veut plus ; au même titre que tant de ses confrères écologistes, à Lyon comme à Grenoble. Il leur faut de l’authentique en toc, du beau factice, du faux qui fasse vrai. Le concept pourrait à la limite demeurer plausible si la capitale ne se trouvait défigurée par ces chantiers sans fin, dans lesquels on ne voit jamais travailler un seul ouvrier, ces bittes de plastique délimitant des couloirs en forme de labyrinthes, eux-mêmes bornés de plots de béton dans lesquels même les esprits les plus censés peinent à se retrouver. Sans oublier les rats qui prolifèrent, les trottoirs sur lesquels – championnats de trottinettes électriques obligent – le piéton imprudent se trouve à chaque instant convié à la fête des os brisés, au grand bal des chevilles fracassées.
Bref, il fallait bien une mairesse écologiste pour que Paris devienne à ce point moche. Quant au périphérique, pourquoi, tant qu’à en vouloir en faire un espace vert, ne pas planter directement les arbres sur la chaussée ? Ainsi, les derniers automobilistes pourront toujours passer le temps en se frayant un chemin à la machette, occupation autrement plus joviale que celle consistant à France Inter en pestant contre l’automobiliste de devant qui n’avance pas et celui de derrière qui double sans mettre son clignotant.
Source Boulevard Voltaire
Journaliste, écrivain