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Il faut accorder l’asile politique à Edward Snowden

Non contents d’écouter la planète entière, les USA cibleraient leurs écoutes sur leurs « alliés » européens, la France au premier chef. Pis, en cette période de négociation d’un énième traité de libre-échange qui, évidemment, se fera à nos dépens, leurs grandes oreilles seraient toutes particulièrement pointées sur les délibérations de nos représentants, que ce soit à Bruxelles ou à l’ONU.

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Bien sûr, il ne faut pas être naïf : l’espionnage est chose vieille comme le monde. Mais les véritables naïfs sont ceux qui persistent à estimer, au-delà de toute vraisemblance et de toutes réalités, historiques comme géopolitiques, que les Américains sont nos amis ; si tant est que des « amis » puissent exister en matière de politique étrangère.

La preuve en est qu’au début de l’affaire Edward Snowden (désormais en fuite), homme par lequel le méga-scandale PRISM n’en finit plus d’exploser, nos médias globalement atlantistes, par tropisme, paresse intellectuelle ou subventions dignes de celles que le KGB offrait naguère à ses affidés, sont demeurés un temps d’une discrétion de violette.

Pourtant, même transformé en chapon, le coq gaulois en a encore sous la pédale. Et certains, enfin, haussent le ton. Sont-ils sincères ou pas ? Ce n’est certes pas à nous de sonder les cœurs et les âmes. Ainsi, Daniel Cohn-Bendit, pas exactement patriote de l’espèce tricolore, mais européen sincèrement convaincu, secoue le cocotier sur RTL, ce dimanche dernier : « Il faut maintenant arrêter tout de suite les négociations pour un accord de libre-échange. Il faut dénoncer tous les accords qu’on a avec les Américains. On ne va pas se laisser marcher sur les pieds indéfiniment par le contre-espionnage américain. » De son côté, Jean-Luc Mélenchon, sur BFMTV et toujours à propos d’Edward Snowden : « Quand il y a des réfugiés politiques chinois ou je ne sais quoi, on les accueille à bras ouverts et là, on va négocier avec un interlocuteur paranoïaque et malfaisant [Barack Obama, NDLR] qui nous espionne, et on trouverait ça normal, et il ne faudrait rien dire ? »

Et Marine Le Pen de conclure, après avoir déploré, la semaine dernière sur France Inter que « la France soit devenue le toutou de Wahington », en remettant une dose sur LCI : « Si on n’accorde pas l’asile politique à Edward Snowden, à qui exactement va-t-on l’accorder ? »

D’aucuns iront ensuite prétendre que ces petits manquements à l’éthique se justifient par une guerre globale au terrorisme mondialisé.

Mais cela ne date pas d’hier. Dans son remarquable essai, La CIA en France : 60 ans d’ingérence dans les affaires françaises, Frédéric Charpier révélait déjà : « Au milieu des années 80, la fondation Heritage [L’un des cache-nez de la CIA, NDLR] réussit à étendre son influence […] Peu avant les élections législatives de 1986, le patron d’un petit groupe de presse spécialisée organise un dîner dont l’invité d’honneur est Jacques Chirac. Ce soir-là, deux ministres de son prochain gouvernement, qui entretiennent des relations suivies avec cette fondation, briefent longuement le prochain Premier ministre. Comme le confie l’un des convives : “Ils lui ont vendu les thèses libérales de la Heritage Foundation.” Coïncidence, les affiches de Jacques Chirac deviendront bientôt un simple décalque de celles de Ronald Reagan. »

Aujourd’hui, on ne sait plus trop où se trouve le « monde libre » ; mais l’axe des faux-culs et des traîtres devrait être facilement identifiable. Même sans drones de combat.

 

Nicolas
Gauthier
Journaliste, écrivain.
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com.
source-Boulevard-Voltaire

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