Ils ont pour nom Jerzy Kosinski, Jean-François Steiner, Martin Gray, Herman Rosenblat, Misha Defonseca, Benjamin Wilkomirski, Enric Marco, Irène Zisblatt, Berthe Meijer ou encore Gunther Skaletz…
Leur point commun ? S’approprier l’Histoire pour inventer et surtout mettre en scène « leur » histoire personnelle. Et quel terreau plus propice, du point de vue de la charge émotionnelle, mais aussi en raison du contexte contemporain des événements, que d’inscrire un récit imaginaire dans la tragédie indicible de la Shoah ?
Proposer un ouvrage de fiction ancré sur une période historique considérée ne pose aucun problème d’éthique particulier, à partir du moment où le livre se présente explicitement sous la forme d’un « roman historique ». Mais rien de tel dans les nombreux « témoignages » dont l’étude d’Anne Kling offre une dissection millimétrée (et accablante) : les auteurs, comme les éditeurs avisés, présentent personnages et situations comme on ne peut plus authentiques, alors qu’il s’agit de formidables bidonnages, souvent pitoyables de bêtise, mais surtout odieux par leur exploitation éhontée du malheur lié à cette période.
Les mobiles de ces impostures sont vieux comme le monde : l’argent et la soif de reconnaissance. C’est évidemment nettement moins original que l’idée de se créer des souffrances imaginaires !
Le livre d’Anne Kling sort indubitablement des chemins balisés, habituellement empruntés par les historiens et spécialistes de cette période tourmentée. Clair, ciselé, très argumenté, il apporte un éclairage nouveau sur l’histoire après la Seconde Guerre Mondiale.
Arnaud Robert.
Anne Kling : Menteurs et affabulateurs de la Shoah, 18 €.
Editions Mithra 251 pages