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Histoire de Paris : L’institut médico – légal


Bertrand Ludes, ancien directeur de l’Institut médico-légal de Strasbourg, Professeur des Universités, Praticien des Hôpitaux, a été installé le 1er septembre 2013 directeur à l’institut médico-légal de Paris, par le préfet de police.



Pourquoi avoir choisi l’IML de Paris comme nouvelle affectation ?

L’IML de Paris est celui qui traite le plus grand nombre d’affaires en France, soit le quart des autopsies réalisées sur l’ensemble du territoire. C’est donc une activité soutenue, mais très riche, où tous les cas de médecine légale sont vus. C’est passionnant pour la diversité des cas étudiés, et en tant que professeur, c’est aussi avec la répétition des affaires que nous pouvons former les professionnels de demain.

Vous venez d’arriver, avez-vous déjà de grands chantiers ?
Une action de modernisation d’envergure se met en place en vue d’aboutir à un pôle d’excellence scientifique reconnu, y compris au plan de la recherche, et un lieu d’expertise médico-légale de niveau européen. Ces orientations supposent une modification des process pour les rapprocher de ceux en vigueur en milieu hospitalier, un recours accru aux équipements d’imagerie – tel un scanner – et d’analyse biologique et une modernisation du logiciel informatique de suivi des examens et autopsies, ainsi que l’élargissement du champ de la formation pouvant être dispensée aux étudiants en médecine et autres disciplines ayant des implications avec la médecine légale et les sciences médico-légales.

Que permettent ces outils ?
Le scanner, par exemple, permet la recherche de corps étrangers, ou détermine la trajectoire d’un projectile avant même l’autopsie. On peut aussi rapidement avoir un diagnostic en observant une rupture d’anévrisme intracérébrale. Le but n’est pas d’éviter l’autopsie, mais d’avoir un diagnostic. Si par celui-ci nous pouvons écarter tout indice de crime et de délit, il n’y aurait pas lieu de faire une autopsie. Si nous avons des indications de crime ou de délit, nous pourrons mieux faire nos recherches et de déposer devant une Cour aux Assises munis de preuves avec les résultats de l’imagerie ou de l’analyse des prélèvements.

Et la biochimie post mortem ?
Avec notre laboratoire, nous pourrons analyser le sang, le liquide céphalo-rachidien… Nous travaillons dans un domaine en perpétuelle évolution et ces investissements sont nécessaires pour avancer. Il faut aussi penser à protéger nos appareillages, notamment des vibrations occasionnées par les passages du métro (le métro aérien passe à quelques mètres de l’IML ndlr).

Peut-on parler de certitudes quand vous rendez un diagnostic ?
En tant que scientifique, la certitude est difficile à atteindre. Après une autopsie, nous avons des faisceaux d’éléments qui tendent vers un diagnostic, mais on peut parfois rester dans le doute. L’IML reçoit en moyenne huit à dix corps par jour…

Combien de temps dure une autopsie ?
Tout dépend du type d’intervention. Dans le cas d’une affaire criminelle, nous sommes deux médecins légistes plus un identificateur. Si un corps présente plusieurs impacts de tirs, l’examen peut dépasser six heures ! En revanche, dans un cas de surdosage médicamenteux et s’il ne s’agit que de faire des prélèvements, cela peut durer une heure.

Est-ce difficile d’évoluer « entre les morts » ?
Notre spécialité répond aux questions de la justice et notre devoir de réponse concerne aussi bien les vivants avec la médecine légale clinique (exercée à l’Hôtel-Dieu, ndlr), que les morts avec la médecine thanatologique. Il ne peut y avoir d’autres considérations dans notre pratique : mieux vaut laisser l’affect de côté.

Est-ce que l’image de la médecine légale a évolué auprès du grand public ?
Le côté supposé morbide de notre activité a énormément été estompé ces dernières années, notamment grâce à la recrudescence des séries télé qui montrent notre pratique, la banalise et désacralise notre profession. Je rencontre beaucoup d’étudiants en première année qui savent déjà qu’ils feront de la médecine légale dix ans plus tard !

L’IML de Paris en quatre points :

Qu’est-ce que l’Institut médico-légal de Paris ?
L’Institut médico-légal de Paris reçoit les corps des défunts lorsqu’il y a un décès sur la voie publique, accidentel ou non, quand il y a un décès d’origine criminelle ou considéré comme suspect et lorsqu’un corps non identifié est retrouvé. La médecine légale travaille en collaboration avec la justice afin de résoudre les énigmes autour d’un décès.


Quel est son rôle ?

Lorsque la personne est identifiée et que la cause de la mort n’est pas considérée comme suspecte, le corps est conservé à l’Institut médico-légal en attente du départ pour les obsèques. Quand la cause de la mort est d’origine criminelle ou suspecte, une procédure judiciaire est alors ouverte. Selon le résultat de l’enquête préliminaire, une autopsie peut être demandée par la justice. Le corps ne peut quitter l’Institut médico-légal que lorsque le permis d’inhumer est délivré par le magistrat chargé de l’enquête.

Qu’est-ce qu’une autopsie ?
Une autopsie est un examen effectué par un médecin légiste expert à la demande de l’autorité judiciaire. L’examen du corps, externe et interne, vise à rechercher les causes de la mort. Dans certains cas, des examens complémentaires sont nécessaires : examen radiologique, examen microscopique des différents organes, examen toxicologique, tests biologiques, examen de police scientifique, etc. Les prélèvements effectués font l’objet de scellés qui sont conservés à l’Institut médico-légal le temps nécessaire.

Pourquoi une autopsie est demandée par la justice ?
L’autopsie est systématique dans les cas de mort criminelle ou de mort suspecte. Elle est également demandée pour rechercher les causes de la mort, déterminer si celle-ci est naturelle ou non et préciser les liens de causalité éventuelle avec une maladie, un accident ou un crime.

L’IML à travers les âges

Dès le XIVe siècle, les prisons du Châtelet comportent un dépôt de cadavres dans la « basse-geôle ». Les morts sont entassés et on peut les voir au travers de guichets pour identification. Il faut remonter à 1714 pour retrouver les origines de la morgue parisienne. En ce temps, les corps ramassés dans la rue sont entassés dans les sous-sols de la prison du Grand Châtelet, la « basse-geôle».

Spectacle de foire
Les visiteurs et curieux se pressent pour tenter d’identifier un mari, un fils, une épouse, ou tout simplement par voyeurisme : « C’était alors un endroit humide, sombre, un réduit infect d’où s’échappaient sans cesse les émanations les plus fétides ; là, les cadavres jetés les uns sur les autres, attendaient que les parents, une lanterne à la main, vinssent les y reconnaître » (Recherches historiques et critiques sur la morgue, par Firmin Maillard, 1860).

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Il en fut ainsi jusqu’en 1804, date à laquelle fut bâti un édifice quai du Marché Neuf, sur l’île de la Cité. La morgue prend des allures beaucoup plus organisées : les corps sont préparés, exposés en vitrine, habillés de leurs vêtements. La population défile la journée afin de les observer à loisir et, par la même occasion, tenter une identification. « C’est l’attraction du Tout-Paris, au point de figurer dans des guides de voyagistes étrangers ! Cette technique est aussi favorable aux autorités qui ont bien souvent l’occasion d’arrêter les criminels revenus discrètement observer leurs « trophées ».
(L’Institut médico-légal de Paris, lieu de la dernière vérité par Sophie Farrugia).

« Pendant la majeure partie du XIXe siècle, et depuis une époque plus reculée, l’odeur des cadavres fait partie du quotidien de la Morgue. Par ses obligations et son mode de fonctionnement, la Morgue est le lieu privilégié de la puanteur cadavérique à Paris (…) En effet, les cadavres qui ont séjourné dans l’eau constituent l’ordinaire de la Morgue. Leur putréfaction est particulièrement spectaculaire. » Le miasme sans la jonquille, l’odeur du cadavre à la Morgue de Paris au XIXe siècle, Bruno Bertherat, Imaginaire et sensibilités au XIXe siècle: études pour Alain Corbin, recueil de textes, éditions Créaphis, 2005.

« La Morgue, c’est le Luxembourg, la Place-Royale de la Cité. On va là pour voir les noyés, comme ailleurs on va pour voir la mode nouvelle, les orangers en fleurs, les marronniers qui se rouillent au vent d’automne, le printemps et l’hiver (…) la Morgue est le point central du voisinage : on y court comme à la gazette du matin, et chaque fois c’est une leçon de philosophie… ».
(La Morgue, Léon Gozlan, éditions Ladvocat, 1831).

« Qu’on lave donc bien vite la Cité, qu’on déplace la Morgue. Isolée en un coin de banlieue, elle ne tentera plus les nerfs de personne et son enchantement malsain cessera. Nous n’y verrons plus, comme aujourd’hui, ces puces humaines, ces petits vampires du faisandé qui l’encombrent du matin au soir (….) Car, sous ce hangar sinistre, on enseigne le plus laid mensonge: que la mort est grotesque, quand la mort n’est que pitoyable. Là, on ne la plaint pas, on ne la respecte pas, on l’insulte; on piétine la Torche renversée. Et qui ? Quelques niais curieux, mais aussi et surtout des jeunes filles, et, ce qui est plus grave, des enfants ! ».
La Morgue, Georges d’Esparbès (1907)

Dernière adresse connue


La morgue déménage en 1864 pour s’installer quai de l’Archevêché, derrière Notre-Dame. Par mesure d’ « hygiéniste moral », la morgue ferme ses portes au public sur un décret du préfet Lépine le 15 mars 1907. La presse évoque la fin des expositions publiques de cadavres : « Désormais, l’entrée de la morgue est interdite aux passants non munis d’autorisation spéciale ». En 1913, la morgue de Paris, devient Institut médico-légal et s’établit au 2, place Mazas, dans le 12e arrondissement, le long du quai de la Rapée.

 

LE SAVIEZ-VOUS

Etymologie du mot  : « morgue ».

Gravure du Grand Châtelet en 1650. Le Grand Châtelet, forteresse de l’Ancien Régime, contenait un siège de justice et de police, ainsi qu’un grand nombre de prisons. Les prisonniers amenés dans les cellules basses s’appelaient « morgue ». Les détenus étaient donc « morgués» par les guichetiers (geôliers), c’est-à-dire dévisagés avec insistance et mépris afin de pouvoir les identifier en cas d’évasion ou de récidive.

Selon le dictionnaire Littré, au XVIe siècle, on utilise le mot « morgue » pour décrire la contenance sérieuse et fière d’une personne. C’est aussi une façon d’évoquer l’orgueil et la suffisance d’un individu : « Cette gravité dont vous morguez les gens avec vos illustres emplois ». (Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand).

Mais ce mot apparaît plus tôt, vers 1500, pour décrire le lieu où l’on identifie les prisonniers : « mettre un prisonnier à la morgue » ; « Endroit à l’entrée d’une prison où l’on tient quelque temps ceux que l’on escroue, afin que les Guichetiers puissent les regarder fixément et les reconnaître » (in Recherches historiques et critiques sur la morgue par Firmin Maillard A. Delahays, 1860 Paris, source BNF).

Les morgueurs sera le nom donné aux guichetiers (gardiens) qui tiennent la morgue. Dans ce sens, le verbe « morguer » signifie « regarder avec hauteur ». C’est au XVIIe siècle que le mot « morgue » désigne le nom de la salle où l’on entrepose les corps pour identification au moyen d’une exposition publique.

 

Info pratiques :

Institut médico-légal de Paris
2, place Mazas
75012 Paris
Téléphone : 01 44 75 47 00
Fax : 01 44 75 47 15

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Source/ PPRAMA

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