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Lire:Les âmes de Verdun de Philippe Grasset

Cent ans de Verdun cette année. Et si nous évoquions Verdun ? En évitant le stéréotype et en tentant de décrypter l’archétype qui se dégage du champ de bataille le plus terrible de l’Histoire ?

Dans un livre lourd de pensées, Les Âmes de Verdun, l’historien Philippe Grasset nous propose une réflexion métaphysique enluminée par les images noir et blanc de Michel Castermans et Bernard Plossu. Évoquer Verdun semble vain, deux mois après les profanations imbéciles de nos dirigeants ou même les cérémonies nécromanciennes du tunnel du Saint-Gothard ; encore que ces deux inepties perpétuent bien la fin de notre civilisation, telle qu’elle a pu se manifester en cent ans…

Car aux champs de bataille ont succédé les champs de pagaille, à Nice ou dans nos têtes… Fin de civilisation : lorsque j’ai découvert Verdun adolescent, j’ai eu une sensation étrange. On a l’impression d’une civilisation ancienne, en effet, avec ses restes, et puis aussi la tranquillité et ce charme qui en émanent. Ici, les villages bouleversés, la terre retournée, les forêts repoussées, le sacrifice immense consacré, tout a été dépassé et repose en paix.

Les Allemands, au tout début de cette « drôle d’offensive », lancèrent deux millions d’obus en neuf heures : une autre réalité. Pour dire vrai, à Verdun, on se croit sur une autre planète ; ce qui est normal, puisque l’on se trouve sur un grand champ de bataille. Un grand moment du livre est l’évocation des villages morts pour la France. Il y en a neuf, rappelle Philippe Grasset. Un village, où je vis, cela se dit « pueblo » (l’Espagne, comme on sait, n’a pas participé à la Grande Guerre, et les héritiers de cette guerre s’invitèrent chez elle).

Écoutons cette parole.

Ces villages ont nécessairement charge d’âmes… Ils sont faits d’âmes diverses, âmes disparues, âmes parties et jamais rattrapées – ces villages qui n’existent plus… Ces villages sont notre Sphinx…

Plus loin, Philippe Grasset ajoute : « Les villages morts pour la France ont victorieusement installé dans la terre échappée du martyre la mémoire éternelle du martyre. » Aller dans ces villages c’est aussi se faire une certaine idée de la mort. Verdun, c’est la guerre des machines, comme disent de grands témoins comme Tolkien ou Bernanos. Et le pays de la machine en Europe, c’est la redoutable Allemagne. Philippe Grasset, qui a si bien médité la modernité dan sa Grâce de l’Histoire, le rappelle : « L’Allemagne est posée comme une énorme dynamo au centre de l’Europe, une énorme bête mécanique qui scande, halète, mugit, produit, et grandit, et forcit, et gronde comme le feu d’une chaudière géante, et chante sa puissance. » Le développement matériel, tellurique et luciférien est allé de pair avec la « mystique » de la guerre qui enflamma de grands esprits.

Parmi les photographies qui me marquent dans ce livre, je ne saurais trop évoquer celle du village détruit de Beaumont-en-Verdunois, et « prises » par Michel Castermans.

 

« Mère voici vos fils qui se sont tant battus.
» Qu’ils ne soient pas jugés sur leur seule misère.
» Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre
» Qui les a tant perdus et qu’ils ont tant aimée. »

Auteur:
Philippe Grasset
Collection:
Histoire
Format:
225 x 225
Nombre de pages:
288
ISBN:
978-2-87402-109-1
Prix:
32 Euros
Nicolas Courteille
Source Boulevard Voltaire

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