Le titre original « Cove » signifie à la fois crique ou anse et drôle de pistolet. Ces deux acceptations rendent assez bien compte de ce roman. « Terre d’ombre » ajoute une notion de mystère qui est aussi présent dans ce roman.
Le récit démarre avec l’arrivée dans les bois d’un homme dépenaillé. Étrangement, il joue divinement de la flûte traversière, ce qui émeut au plus profond d’elle-même, Laurel, une jeune paysanne souffrant d’une tâche de naissance absolument disgracieuse.
De nos jours, une simple intervention chirurgicale mettrait un terme au calvaire enduré par cette jeune femme. Mais nous sommes dans les Appalaches en 1918. Laurel vit sur ce petit bout de terre escarpée avec son frère Hank qui a combattu du côté des Français et de tous leurs alliés contre les Allemands. Il en est revenu avec une main en moins.
En apprivoisant le musicien loqueteux Laurel fournit aussi une aide inespérée à son frère pour redonner des couleurs à une ferme une peu délaissée depuis la mort des parents. Même si l’inconnu ne parle pas, il donne un sacré coup de main et Laurel parvient assez vite à le faire rentrer dans son lit, ce qui la comble de bonheur. Les jours passent, les travaux avancent à un train d’enfer, la construction d’un puit mérite d’ailleurs des applaudissements.
Un jour, le voisin emmène Hank, Laurel et le musicien muet à la ville. A partir de ce moment, tout dérape car un gamin reconnaît le musicien puisqu’il a vu son portrait robot placardé dans la gare. Le texte indiquait aussi qu’il s’agissait d’un dangereux criminel allemand, un sale boche en tout cas.
Le roman passe à la vitesse supérieure à partir de ce moment, surtout quand un jeune illuminé et assoiffé de crimes endosse l’habit inattaquable du patriotisme. Il arrive ainsi à réunir de braves citoyens pour aller faire la fête au salaud de teuton.
Ce livre apporte aussi un nouvel éclairage tout à fait intéressant sur les répercussions de la Première Guerre mondiale dans des pays pourtant très éloignés. Il aborde aussi le thème du fanatisme ordinaire, de la manipulation de citoyens ordinaires, de l’ignorance crasse et ce que le mot patriotisme peut cacher de terrifiant quand il est détourné par des arrivistes dénués de tout sens moral.
Un roman admirable et splendidement écrit. ******
Dominique LE FUR
243 pages, Roman Seuil. 20 €
Format 14,5 X 23. Broché
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image à la une *Henry Thomas in Legends of the Fall (1994)
