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Lire : « Doctrines philosophiques et Systèmes politiques » Louis Jugnet

Les idées mènent le monde

Démocratie, monarchisme, féodalisme, totalitarisme, autoritarisme… autant de systèmes politiques, autant de modes distincts d’organisations d’un Etat. Platon distingue pour sa part cinq systèmes politiques correspondant à cinq formes d’âmes humaines : monarchie (aristocratie), timocratie (recherche des honneurs), oligarchie (recherche des richesses), démocratie et tyrannie (violence). Quant à Aristote, il distingue les systèmes politiques en fonction des types de constitutions (droites ou déviées).

Les systèmes politiques se rattachent aux philosophies fondamentales qui les inspirent et les nourrissent ; aucune doctrine ne naît de rien. C’est à partir de cet axiome que Louis Jugnet, philosophe réaliste et thomiste, professeur à l’Institut d’Études Politiques, propose une déclinaison somme toute exhaustive des différentes philosophies, de Platon (429 av. J.-C. – 348 av. J.-C.) à Charles Maurras (1868-1952).

Après l’évocation de Platon et sa doctrine collectiviste, Louis Jugnet s’attache à définir la politique d’Aristote, premier maître, pour lequel l’organisation de la Cité doit partir de la connaissance exacte de la réalité, à commencer par le fait universel que l’homme est un être social par nature, n’étant ni un esprit solitaire, ni l’élément d’un troupeau. Il s’unit à ses semblables dans des structures sociales hiérarchisées : famille, communauté, Cités.

Le professeur Jugnet aborde ensuite le christianisme antique (« système du monde » et non philosophie au sens strict), puis le Moyen Age, sept siècles si féconds. Le grand disciple d’Aristote, c’est bien sûr saint Thomas d’Aquin, qui apporte la notion chrétienne de charité et considère la monarchie comme le régime le moins imparfait. L’étude se poursuit avec la Réforme (selon laquelle la nature humaine est radicalement corrompue par le péché originel et la raison, une maîtresse d’erreur) et la Contre-Réforme (dont l’influence sera considérable, puisqu’outre religion et politique, elle influencera jusqu’à l’art).

Sont successivement traités Machiavélisme (réalisme amoralisme) et utopisme (idéalisme moraliste), les doctrinaires Hobbes (« l’homme est un loup pour l’homme ») et Locke (prétention empiriste), les juristes et l’école cartésienne, l’immense Bossuet et Fénélon, Ramsay et Franklin, Montesquieu (plein de rêveries), Rousseau (à la pensée sophistique et extrêmement nocive aboutissant au totalitarisme politique), les maîtres de la Contre-Révolution (Bonald, opposant la liberté abstraite du libéralisme aux libertés concrètes assurées par les corps naturels, Maistre et l’espagnol Donoso Cortés), Auguste Comte, l’idéalisme allemand avec Kant (le relativisme dénie toute connaissance de l’absolu), Fichte et Hegel, enfin l’inclassable Proudhon (qui déteste le jacobinisme, Rousseau et le protestantisme).

Louis Jugnet étudie également avec force précision, dans un long chapitre, la doctrine marxiste-léniniste, dont il discerne les principales sources : le socialisme utopique (Fourrier, Saint-Simon), le darwinisme, l’hégélianisme (auquel Marx emprunte le rationalisme et la méthode dialectique), l’athéisme de Feuerbach et sa théorie de l’aliénation, l’économie politique libérale (Bastiat, Ricardo).

L’ultime partie de l’ouvrage est consacrée à la riche pensée de Charles Maurras, basée sur « l’empirisme organisateur » et aux sources multiples : Aristote, Bossuet, Auguste Comte, Balzac, Sainte-Beuve, Renan, Taine. Pour Maurras, une société civilisée est celle où l’homme trouve beaucoup plus qu’il n’apporte. Même le plus intelligent des hommes, même l’homme de génie est toujours inférieur à l’ensemble du corps social. La logique interne de l’individualisme libéral est donc anarchiste et incapable de gouverner. Car de deux choses l’une : ou le libéralisme laisse pleine liberté à ses ennemis et il se condamne à mort lui-même. Ou bien, il déclare qu’il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté et il saborde alors son propre principe ! Jugnet développe ensuite quelques grandes idées maurrassiennes comme l’égalité (trois attitudes à distinguer), le suffrage universel (mythe de la volonté générale), la distinction entre « La liberté » et « les libertés », les assurances intrinsèques à la monarchie (unité, continuité, responsabilité du pouvoir).

Un livre clair et synthétique, destiné à éveiller l’esprit aux fondements philosophiques de la pensée politique.

Arnaud Robert.

Titre : « Doctrines philosophiques et Systèmes politiques »
Auteur : Louis JUGNET
Éditeur : éditions de Chiré
Prix : 18,00 euros

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