Lire BD: Jules Matrat livre 3.

Le destin brisé d’un poilu traumatisé par la guerre

C’est dans la paisible Haute-Loire que la guerre vient chercher Jules Matrat, un beau jour d’août 1914. La guerre, il n’avait pas envie de la faire, comme il n’avait pas envie de laisser Rose, sa fiancée. De retour chez lui après quatre années terribles dans les tranchées où il a vu son ami Louis Agnin périr, Jules n’est plus le même homme. Brisé, il s’est muré dans un douloureux silence. En 1919, après avoir perdu son fils, il continue de se perdre lui-même. Pour l’aider et tenter de sauver leur couple, Rose lui propose de faire ce qu’il avait promis à son copain Louis : visiter son village et rencontrer sa famille. Peut-être qu’après ce pèlerinage, la tristesse le quittera enfin. Mais une fois sur place rien ne se passera comme Jules l’avait imaginé… Son camarade n’est plus ; dans son village, la vie paraît avoir repris sans lui et seul son chien semble encore attendre son maître. Jules, de retour à la maison, se noie dans ses pensées les plus noires. Adapté du roman éponyme de Charles Exbrayat (publié aux éditions Albin Michel), cette trilogie conçue comme « le récit d’une vie quotidienne » raconte le destin brisé d’un jeune poilu hanté par les images d’une guerre qualifiée de « boucherie ». Serge Fino dépeint avec un réalisme déconcertant la détresse d’un homme et les conséquences sur les générations futures de tels massacres, s’affirmant du même coup comme un auteur majeur du neuvième art.

L’après-guerre, le combat le plus difficile : « Jules Matrat », le tome 3 qui marque les esprits

C’est une conclusion poignante que nous offre Serge Fino avec la sortie du troisième et dernier tome de « Jules Matrat »(éditions Glénat). Après avoir dépeint l’horreur des tranchées, le dessinateur et scénariste s’attaque au plus dur : l’après-guerre. L’ouvrage, qui adapte avec brio le roman de Charles Exbrayat, explore les blessures invisibles qui hantent ceux qui sont revenus du front.

Le fardeau de la promesse

Jules Matrat, ce paysan de Haute-Loire arraché à sa terre et à sa fiancée, a survécu à l’enfer. Mais le retour n’est pas une libération. Le tome 3 met en lumière le combat intérieur de ce poilu traumatisé, hanté par le souvenir des combats et surtout par la promesse faite à son ami Louis, tombé au front. Si ses parents et sa fiancée, Rose, l’attendent avec impatience, ils découvrent un homme brisé, silencieux et incapable de se réadapter à une vie paisible. L’incompréhension et les reproches remplacent peu à peu l’espoir, rendant le poids de son passé encore plus lourd à porter.

Un réalisme graphique saisissant

Serge Fino s’affirme une fois de plus comme un auteur majeur du neuvième art. Son trait réaliste et ses couleurs directes, souvent aux tons sombres et ternes, accentuent le caractère dramatique du récit. Chaque planche est imprégnée d’une émotion brute, traduisant avec une justesse déconcertante la détresse de Jules. Les lecteurs louent la fidélité de l’adaptation au roman d’Exbrayat, où la force des dialogues et des descriptions est parfaitement retranscrite. C’est une œuvre qui ne cherche pas l’héroïsme, mais qui met en lumière la fragilité de l’homme face à la guerre et à ses conséquences durables.

Le troisième tome de « Jules Matrat » est une réussite totale, un véritable coup de cœur salué par la critique. Il honore à la fois le roman d’origine et le pouvoir narratif de la bande dessinée, offrant une conclusion bouleversante à cette trilogie essentielle.

T.Youf