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Lire BD :Albert Londres doit disparaître Frédéric Kinder (scénario), Borris (dessin). Éditions Glénat.

A ses rédacteurs en chef qui lui reprochaient souvent de n’être pas « dans la ligne », Albert Londres, symbole du grand reporter intrépide, fouinard, accrocheur, un brin cabotin, répondait : « Messieurs, vous apprendrez à vos dépens qu’un reporter ne connaît qu’une ligne : celle du chemin de fer. »

Reporter de grande race ? Oui. Mais aussi, ce qui est moins connu, agent de renseignements pour la France, patriote de l’espèce amoureuse, sur la brèche depuis 1917. Il projeta même d’éliminer physiquement Lénine et Trotski, œuvre de salubrité publique qu’il ne put, hélas ! mener à bien. Profession de foi : « Je suis reporter, donc soldat. »

Albert Londres est né à Vichy en 1884. Son père est gascon (Londres est une francisation de Loundrès), sa mère bourbonnaise. Fils de petits artisans, il ira à l’école Saint-Joseph de Vichy, puis au pensionnat Saint-Gilles de Moulins.

A 17 ans, il est comptable à Lyon. Horizon bouché… Avec ses potes Henri Béraud et Charles Dullin, il ne rêve que d’une chose : monter à Paris. Il réalise son rêve, publie comme il se doit des poèmes (inspirés de François Coppée) et se tourne vers le journalisme. En 1910, il entre au Matin comme échotier parlementaire. Horizon bouché… En 1914, on l’envoie « couvrir » les bombardements de la cathédrale de Reims. Il en rapporte un reportage qui tient du chef-d’œuvre journalistique et qu’ on devrait donner à lire à tous les would be journalistes. Avec son accroche devenue classique : « Ils ont bombardé Reims et nous avons vu cela

Le voilà lancé et nommé correspondant de guerre. Le front en Belgique. Les Ardennes où l’on s’étripe. La campagne d’Orient. Le front italien. L’ Allemagne occupée en 1918. Jouant les vieux briscards désormais, il explique aux jeunes confrères : « Mon petit, un vrai reporter doit savoir d’abord écouter et regarder. Celui qui sait seulement écrire ne sera jamais qu’un littérateur. »

On le verra encore à Fiume (où il sympathisera avec D’Annunzio), en Syrie, au Li- ban, en Palestine, en Egypte, chez les Soviets, en Grèce, en Indochine…

En 1923, il réalise ses fameux reportages sur le bagne en Guyane. De 1924 à 1931, il enquête sur les bataillons disciplinaires et les asiles psychiatriques, la traite des Blanches, la traite des Noirs, la situation en Palestine, le terrorisme dans les Balkans. Fin novembre 1931, il demande à être envoyé enquêter en Chine. Son journal, Le Petit Parisien, refuse de l’y envoyer. Il démissionne et se fait accréditer par Le Journal.

Au vrai, Albert Londres ne veut pas aller en Chine que pour couvrir la guerre sino- japonaise. A ses proches, il a dit (et seulement dit) : « Ce sera une enquête explosive et ce sera le couronnement de ma carrière. » Traquait-il de dangereux trafiquants de drogue ? On ne le saura jamais. Le 23 avril 1932, il embarque sur le Georges Philippar. Avec une malle bourrée de documents.

Le 16 mai, dans le Golfe d’Aden, au large du protectorat d’Aden, le Georges Philippar est victime d’un terrible incendie. Albert Londres y laissera la vie à 47 ans . Victime sans doute de services secrets anti-français inquiets des révélations qu’il aurait pu rendre publiques. A Saïgon, en embarquant, il avait dit à un ami : « Je rapporte de la dynamite. » Elle lui a explosé dans les mains…

Albert Londres disait aussi : « Un journaliste n’est pas un enfant de chœur et son rôle ne consiste pas à précéder les processions la main dans une corbeille de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire tort, il est de porter la plume dans la plaie en mettant dans la balance son crédit, son honneur et sa vie. »

Entre biopic et fiction, Albert Londres doit disparaître est une proposition possible de Frédéric Kinder et Borris sur la fin tragique de celui qui, aujourd’hui encore, est considéré comme le premier grand reporter de l’Histoire.

Scénariste. Frédéric Kinder
Dessinateur  Borris
Collection : Treize étrange
Thèmes:  Histoire
Format :218 x 295 mm
Pages : 104
Prix : 17.50 €

 

A lire (chez 10/18) : L’Homme qui s’évada (précédé de Au bagne) ; Le Juif errant est arrivé ; Dante n’avait rien vu (suivi de Chez les fous) ; Pêcheurs de perles (et autres reportages) ; Mourir pour Shanghai (suivi de La Chine en folie) ; La Traite des Blanches (suivi de La Traite des Noirs) ; Si je t’oublie, Constantinople ; etc.

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