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Les Acteurs de la comédie politique, Nicolas Gautier et Philippe Randa

« Un dictionnaire des célébrités de hasard qui font les vilains jours (comme disait Jacques Perret) de la politique, en France et même ailleurs. »


Préface d’Éric Letty,

Rédacteur en chef de Monde & Vie,

à propos du livre Les Acteurs de la comédie politique,

de Nicolas Gautier et Philippe Randa

(Édition de L’Æncre)

 

Un dictionnaire destiné à être remboursé par la Sécu ?

Surprise, lorsque Nicolas Gauthier m’a télé­phoné pour me demander de pré­facer le présent ouvrage qu’il a com­mis avec son com­­plice Philippe Randa !

C’est bien la première fois qu’on me propose ce genre d’exercice. Tant pis pour eux. Il est vrai que ces deux compères, voilà une paye que je les connais. Ce ne sont pas les souvenirs en commun qui nous manquent : Minute, Le Choc du mois, les bistros des rues Jean-Jacques Rousseau et Saint-Honoré, et ce petit troquet ouvert la nuit, où, sortant du Washington Square, nous allions manger sur le pouce aux premières heures de la matinée, jusqu’au jour où le patron se fit dessouder par un malfrat mal éduqué, comme dans un polar commis par nos deux zigs.

Nous rapprochent aussi les amis qui ont quitté notre scène, notamment les Jean de bien, Bourdier et Mabire, et puis tant d’au­tres qui demeurent en ce bas monde. Mais les nostalgies ne sont pas le genre de la maison : parlons plutôt, puisqu’il le faut, de nos auteurs et de leur opuscule.

Ils font la paire à la plume comme à la ville, l’un, Philippe Randa, toujours en veine d’un texte à éditer – lorsqu’il ne l’écrit pas – en dehors des cases du politiquement correct, l’autre, Nico­las Gauthier, vétéran (comme le temps passe !) de la presse idoine et de la pensée diverse. Et tous deux rois de la formule à l’emporte-pièce, si naturelle qu’on se demande s’ils ne sont pas tombés tout petits dans la marmite de potion désopilante du bon druide Audiard, à propos duquel ils écrivent d’ailleurs : « Pas vraiment de droite et encore moins de gauche, Michel Audiard se voulait peut-être seulement français. Dieu sait s’il nous manque aujourd’hui. »

Autre exemple de remarque qui pourrait figurer dans Les Tontons flingueurs ou Le Cave se rebiffe : « Dans le temps, après l’turbin, l’ouvrier régalait sa régulière. Aujourd’hui, il regarde Ardisson, Sébastien ou Ruquier. Il ne faut donc pas s’étonner si la natalité chute. » C’est la sociologie revisitée par Bernard Blier ou Francis Blanche !

Quant au livre que vous tenez en main, heureux lecteur, il se présente comme un dictionnaire des célébrités de hasard qui font les vilains jours (comme disait Jacques Perret) de la politique, en France et même ailleurs. Voilà beau temps que les beaux jours se sont enfuis, depuis certain matin sinistre de l’hiver de l’an de disgrâce 1793 où les Français se coupèrent la tête, et il est peu de chances qu’ils reviennent avant que la France n’ait retrouvé un chef – chef couronné, par surcroît.

J’entends d’ici protester l’ami Randa, mais il aurait bien dû se douter qu’en demandant une préface à un royaliste, il introduisait le roi dans sa bergerie et puisqu’il a étourdiment mis à ma disposition quatre feuillets pour parler de son bouquin, je ne vais pas me gêner pour digresser.

Revenons pourtant à nos moutons, au nombre desquels on ne saurait sans une totale mauvaise foi ranger Philippe Randa et Nicolas Gauthier – plutôt désignés comme des brebis galeuses par les mauvais pasteurs de la bien-pensance huxleyenne. Leur liberté de ton, expression de la liberté d’esprit des deux gredins d’auteurs et de leurs partis pris assumés, fait d’ailleurs l’intérêt premier des pages qui suivent et la force de ce livre. Leurs jugements en témoignent, lapidaires et insolents. En veut-on des exemples ? En voici quelques-uns, piochés (presque) au hasard.

À propos de Jean-Jacques Aillagon, pour commencer : « De Beaubourg, il passa au ministère, et ensuite au Château de Versailles en remplacement de Christine Albanel. C’est à lui qu’on doit l’exposition de l’américain Jeff Koons, avec homard en plastique et chienchien à mémère en merdaflex laqué à l’appui. Nostalgie beaubourgienne… »

De Besancenot : « Trotskiste à Neuilly ? Pourquoi pas communard à Versailles ! »

De Jean-Luc Mélenchon : « Lui qui naguère aurait bien pendu le dernier curé avec les tripes de l’ultime patron, le voilà sénateur… un peu comme si Albert Spaggiari s’était recyclé dans le gardiennage des banques niçoises et de ses proches environs. »

Du chanteur Renaud : « Quand il était camé, il était de gau­che ; devenu poivrot, il vira à droite. Maintenant qu’il est abonné aux sucrettes et à la bière sans alcool, il devient centriste et fait la une de Paris Match avec une blonde épouse qui pourrait aisément être sa petite-fille. »

Les deux fâcheux ne donnent pourtant pas seulement dans la critique et l’ironie ; il leur arrive souvent aussi d’avoir des coups de cœur, pour le pape Benoît XVI, pour Marcel Bigeard ou pour Marine Le Pen, et des sympathies parfois surprenantes, comme celle qu’ils professent à l’égard de Ségolène Royal.

La critique est-elle permise à un préfacier ? Peu m’en chaut, quitte à passer pour préfacier indigne. Je n’adhère pas toujours aux jugements des auteurs, tant s’en faut, et bien que ce petit livre se dévore de bel appétit, certaines rubriques sont parfois difficiles à avaler. Il m’est arrivé de m’exclamer, par exemple en lisant telle comparaison hasardeuse entre Jeanne d’Arc et Charles De Gaulle. Mais on ne demandait pas à Daumier ou à Léon Daudet d’être neutres ou objectifs…

En pareil cas, faites comme moi : prenez une forte inspiration, poussez un grand cri de rage indigné et libérateur ; puis passez à l’article suivant et retrouvez le sourire.

Car ce dictionnaire-là fait du bien. S’il est vrai, comme je l’ai lu je ne sais où, qu’il est nécessaire pour jouir d’une bonne santé de rire au moins sept minutes par jour, il devrait même être remboursé par la Sécu à la place des antidépresseurs. En notre temps coercitif, c’est un grand bol de liberté.

 

Les Acteurs de la comédie politique, Nicolas Gautier et Philippe Randa, Éditions de L’Æncre, collection « À nouveau siècle, nouveaux enjeux », 348 pages, 33 euros.

Commande à adresser à :

FrancePhi Diffusion – Boite 37 – 16 bis rue d’Odessa 75014 Paris.

Commande possible sur le site www.francephi.com (paiement sécurisé par carte bancaire et paypal).

 – Mél. diffusion@francephi.com

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