Goûts/Saveurs

Vive les Spanghero !

C’est peu de dire que cette histoire de la viande de cheval est en train de prendre des proportions qui, justement, deviennent hors de proportions.

D’abord, personne n’est mort : on est tout de même loin de l’épidémie de la vache folle anglaise. Ensuite, la grande distribution nous aurait menti. Mais ce n’est pas la première fois, elle ment depuis toujours ; car hormis de défigurer les abords de nos villes, elles en ruinent les centres, acculant les petits commerçants à la faillite. Après, ils trichent sur tout, les prix, les poids, les emballages, les provenances, fliquent leurs clients avec leurs cartes de fidélité, exploitent les caissières, persécutent les syndicalistes et étranglent leurs fournisseurs. Les pires étant sûrement les Leclerc, qui dissimulent leurs méthodes de voyous sous un vague vernis de catholicisme social.

Tartuffes, hypocrites, faux culs, culs bénis ; à côté, le monsieur Jambier incarné par Louis de Funès, dans La Traversée de Paris, du regretté Claude Autant-Lara, était un distingué philanthrope…

Le plus dégueulasse dans l’histoire, c’est que l’opprobre, qui devrait retomber sur les margoulins de la malbouffe mondialisée, dégringole sur la noble fratrie des Spanghero qui a donné son nom à l’entreprise incriminée, entreprise locale, enracinée dans leur Sud-Ouest natal, et qu’ils ont malheureusement revendue en 2009.

Même les ignorants de la chose sportive – dont votre serviteur – se souviennent de ces six frères qui descendaient sur le terrain de rugby comme d’autres, jadis, dans l’arène. Pour du beau jeu où ça bastonnait velu. Autres temps, autres mœurs… Les gladiateurs de l’Ovalie ne posaient pas, à poil et épilés, dans des calendriers efféminés, façon gay friendly, juste histoire de faire reluire les cagoles et ceux qui jouent « aux jeux de l’amour tout en inversant les rôles », pour reprendre l’expression d’un autre regretté, Georges Brassens, dans Les Trompettes de la renommée. Dans la bande à Spanghero et leurs copains, ça descendait du pastaga comme si ça avait été de l’eau et l’on tortorait des plats d’hommes, genre cassoulet et charcutailles qui tiennent bien au corps.

À l’époque, le rugby était encore un sport semi-professionnel ; et les seuls sponsors étaient les caboulots du coin. Point de coachs santé mais seulement des garçons de café pour seuls conseillers nutritionnistes. Ils n’étaient pas milliardaires, modérément métrosexuels, mais auraient écrasé n’importe quel David Beckham lors de leurs fameuses troisièmes mi-temps.

Interrogés par BFM TV à propos de l’affaire en question, on a vu, grande première, Claude et Walter Spanghero les larmes aux yeux : « Que vont dire nos enfants et nos petits-enfants dans la rue, quand on leur dira, “Tiens, c’est un Spanghero”. Nous, on a travaillé toute notre vie… » Et leur nom est aujourd’hui sali. Et les malheureux salariés travaillant dans leur ancienne société, promis au chômage. Tout ça pour complaire à on ne sait quoi, on ne sait qui.

Alors oui, « dégueulasse » est bel est bien le mot…
Et vive les Spanghero !

Nicolas
Gauthier
Journaliste, écrivain.
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com.
source -Boulevard Voltaire

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