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Tribune Libre :Piscine Molitor dans le Paris socialiste, les prolos peuvent aller se rhabiller

Les autres, avant eux, n’avaient pas osé – enfin pas complètement –, mais la crise étant passée par là, Delanoé et ses enfants l’ont fait : vendre tout Paris au commerce de luxe.

D’accord, il y a belle lurette que la capitale passe, par pièces et morceaux, aux mains des émirs et oligarques de tout poil. Ces gens-là ne savent que faire de leur pognon et rien n’est jamais assez luxueux pour leurs augustes personnes. Ainsi Paris manquait de “palaces”, à ce qu’on nous a dit. Alors on a cassé les 4 étoiles et multiplié les 5 étoiles. Le client est roi. Maintenant, ce sont les sites classés, ceux qui appartiennent au patrimoine historique des Parisiens, qui basculent dans le giron de la haute finance et du luxe mercantile.

On sait ce qui doit advenir des grands magasins de la Samaritaine, monuments Art Déco qui bordent la Seine entre la rue de Rivoli et le Pont-Neuf : vendus au groupe LVMH, ils deviendront des bureaux, des commerces de luxe, un hôtel de luxe itou, et, pour faire bonne mesure, on y ajoutera une crèche et « des logements sociaux » (on a hâte de connaître les élus…). Idem pour la gigantesque Poste du Louvre, toute proche, qui, en 2017, sera consacrée à 60 % à « des activités commerciales », dont un hôtel de luxe et… 1200 m2 de « logements sociaux ».

Lundi dernier, les médias annonçaient à grand renfort de trompettes la réouverture de la piscine Molitor. Un fleuron Art Déco, là encore, niché au cœur du XVIe arrondissement, où les belles ont lancé après guerre la mode du bikini puis des seins nus. Fermé voilà 25 ans, squatté par les fans du Street art, ce “monument” classé a été cédé par la Mairie de Paris au groupe Accor, avec un bail d’exploitation de 50 ans. Charge à cet investisseur privé de restaurer les lieux. Ce qu’il a fait. Ou prétendu faire.

« Quand les éléments d’art déco ont été retrouvés, nous avons reconstruit le lieu tel que l’architecte Lucien Pollet l’avait imaginé en 1929. Dans le cas contraire, l’architecture est contemporaine. », dit le dossier de presse. Dans La Tribune de l’Art, on parle plutôt « d’imposture patrimoniale ». Tout cela est faux, dit Didier Rykner : « Le bâtiment original de Lucien Pollet, architecte, a été rasé intégralement, seul un mur de façade a été conservé. (…) Le bâtiment a été entièrement reconstruit, surélevé, modifié, interprété, pastiché. C’est la négation de l’architecture et du patrimoine. » Il poursuit : « La presse nationale, idiote, récite aveuglément le communiqué de presse de l’établissement : « Les balcons ont été sauvés, moulés, puis refaits à l’identique, les cabines de douches sont conservées… » Alors que tout est bidon. »

De fait, Molitor n’est plus Molitor. Tout juste une distraction pour les richissimes clients de l’hôtel 5 étoiles auquel elle est désormais intégrée. Avec tarifs en conséquence. Pour pouvoir faire trempette, il faudra être client de l’hôtel (300 euros la chambre minimum) ou membre du club dont l’adhésion se fera par cooptation : 1.200 euros de droit d’entrée et 3.300 euros pour l’année. Une bagatelle. Quant à ceux qui n’auraient pas l’honneur d’être agréés comme “membres”, ils pourront s’offrir une journée au bord de la piscine pour 180 euros.

Comme l’écrit l’architecte Jérôme-Olivier Delb sur leplus.nouvelobs.com, « Nous sommes entrés dans cette ère où la désinformation, la tromperie et la duperie font lois. “La destruction, c’est la restauration. Les riches, c’est le peuple. Le privé, c’est le public.” Tels pourraient être les slogans de cette indécente piscine Molitor. » Ou bien ceux de la Mairie de Paris…

 

Marie Delarue

Écrivain, musicienne, plasticienne
source Boulevard//Image à la une  Soirée Piscine Molitor//voir notre  article du 22/05/2014

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