Depuis ce mercredi matin, tout a été dit dans les médias, et plutôt pas mal dit. Avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, qu’on les apprécie ou pas, Johnny Hallyday était un monument national, qu’on ait acheté ses disques ou non.

Comme toujours, le bal des pleureuses et des faux amis de plus ou moins fraîche date : ceux qui, naguère, le toisaient de haut, raillaient son public, beauf, forcément beauf, à défaut d’oser s’en prendre à l’objet de sa ferveur, sortent aujourd’hui leurs mouchoirs tout en faisant mine de ne pas trop se pincer le nez. Oui, Johnny, chanteur populaire, était aussi une sorte d’icône du peuple.

Qu’il nous soit donc ici permis de citer l’un de ses admirateurs de longue date, d’autant plus sincère que traditionnellement discret, Bertrand Burgalat, le petit Debussy de la pop française. C’était le 20 novembre dernier, à l’occasion d’un entretien accordé au site Noisey.com et de la sorte titré : « Les défauts de Johnny, je les trouve splendides… »

Ainsi, affirmait notre homme,

« il y a une notion qu’on apprend en sport ou en montagne : c’est la notion d’engagement. Sur scène, il faut y aller. Si on est là à se regarder les pieds en se demandant ce qu’on fait là, ça ne marche pas. Johnny, au contraire, son engagement est total et je trouve réconfortant que cet engagement ait été payé en retour par la fidélité du public. On le voit très bien dans J’ai tout donné, le film que François Reichenbach lui a consacré en 1971, ou dans son court métrage À la mémoire du rock, qui est pour moi un des plus grands films de tous les temps. »

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Et notre BB national de conclure :

« On a toujours eu l’impression qu’il avait un entourage toxique, mais Johnny a une grâce unique. L’équivalent, c’est presque un mec comme Delon, de ce point de vue-là, des mecs qui viennent de milieux populaires, qui ont une espèce d’élégance aristocratique, anticonformiste, des mecs de droite, mais beaucoup plus ouverts que certaines personnes qui se définissent de gauche. Delon, il est à la fois copain avec Jean Cau et il fait Monsieur Klein, ce sont des mecs de paradoxes, Johnny, c’est une somme de contradictions qui le rendent attachant. »

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De l’avis de ceux qui l’ont connu de plus près, Jean-Philippe Smet était aussi de la noble race des autodidactes cultivés : sa culture, il l’avait volée dans les livres ; personne ne la lui avait donnée, lui, l’enfant de la balle, élevé à la ramasse, entre feux de la rampe et sombres loges sentant la bière tiède et le tabac froid. Il paraît même que notre homme pratiquait également un humour ravageur.

La preuve ? Sa mort devrait éclipser celle d’un poseur pénible, abbé de cour passé maître dans l’art de la conversation de salon et imbattable dans celui consistant à accorder le bleu de ses chaussettes à celui de ses yeux – Jean d’Ormesson. Dans le même registre de l’ironie posthume, Pierre Desproges n’aurait pas fait mieux.

Pareil tour pendable avait d’ailleurs été joué par Édith Piaf, autre légende, autre bête de scène, à un autre cabot, Jean Cocteau, les 10 et 11 octobre 1963. Aujourd’hui, en 2017 : KO contre Jean d’O. Bravo, Jojo !

PS : article rédigé en écoutant la dernière prestation scénique des « Portes du pénitencier », publié dans l’album paradoxalement intitulé Rester vivant tour. À tomber par terre tout en restant cloué au mur, les bras en croix, tel qu’il se doit.

Nicolas Gauthier
Journaliste, écrivain
source Boulevard Voltaire