À lire votre livre, on voit qu’il est possible de vivre de son art tout en étant en retrait des feux de la rampe. Ça ne vous pèse pas, des fois, d’être un de ces « invisibles » du showbiz ?
Oui et non… Non, parce que c’est déjà une chance extraordinaire de pouvoir vivre de sa passion, car ce genre d’activité est avant tout une passion… Ne pas avoir de supérieur à qui obéir, ne pas avoir d’horaires fixes à respecter sous peine de réprimandes. Bref, comme on le dit souvent, artiste n’est pas un métier, mais une façon de vivre… Oui, parce que je travaille pour les amateurs de chansons françaises et que, pour l’instant, mon travail n’a pas trouvé l’accueil escompté. À mon âge, je ne suis pas en attente de vedettariat ou de gloire. Juste de reconnaissance, et encore… Finalement, je m’éclate à faire ce que je fais, et c’est ça le principal !
Qu’avez-vous pensé du film de Xavier Giannoli, Quand j’étais chanteur, avec Gérard Depardieu, qui campe la vie d’un chanteur populaire, alignant petits galas, de bals en bars d’hôtel ? Film tendre ou méchant ?
Ce film m’a inspiré des sentiments contradictoires : le côté pathétique du personnage et de sa vie… On pourrait le trouver pitoyable, mais il est respectable. J’en connais plein, des « artistes » comme Alain Moreau. Ils sont heureux comme ils sont et, là encore, c’est le principal…
Dans votre album 0/10 Bon esprit, vous raillez les nouveaux philosophes tout en commettant un hilarant Hymne à la tête de veau et en stigmatisant les travers de ceux qui parlent souvent pour ne rien dire avec un encore plus désopilant C’est vraiment très intéressant. D’un certain point de vue, c’est autrement plus subversif que nombre de rebelles professionnels. On se trompe ?
On a souvent traité mes chansons de subversives… Pour moi, c’est un compliment, et comment ! Et puis, un « rebelle professionnel » peut-il véritablement être subversif ? Je m’étonne que ma chanson Le Bellifontain n’ait pas accroché votre oreille… C’est, sans doute, l’une de mes préférées… Il est vrai qu’elle n’a rien de subversif. Ou si peu…
Ce qui transparaît de ce livre et de ce disque, c’est une indéniable joie de vivre, couplée à un amour évident de la langue française. Pourtant, on ne vous entend guère à la radio et il paraît que, point de vue relations presse, vous assurez le minimum syndical. Pourquoi ? Ça pourrait peut-être marcher ? Ou alors ne faites-vous pas partie des « bons réseaux » ?
C’est vrai que je ne passe nulle part… Sauf sur scène ! Je n’ai envoyé mon disque à personne. Pour quoi faire ? Je pense qu’effectivement il existe un public pour ce genre de chansons, mais faire le représentant de commerce m’a toujours rebuté… J’attends qu’une occasion se présente… Je suis patient ! Votre évocation des « réseaux » est… très subversive ! Ce n’est pas que je ne fasse pas partie des « bons réseaux », je ne fais partie d’aucun « réseau » ! Je n’y ai pas accès. Pour y avoir accès, il faut avoir des « réseaux », c’est un cercle vicieux… En revanche, j’ai un amour profond pour la langue française, que j’apprends tous les jours… Je n’en suis qu’au début. Elle est tellement précise, tellement raffinée, nuancée et aussi tellement vivante… C’est un puits sans fond…
Le disque disponible en ligne.
Et le livre :
Béjo, Renaud Sécha…
neuf EUR 27,55
Entretien réalisé par Nicolas Gauthier.
source-Boulevard voltaire