Voici un des plus beaux livres d’Alain de Benoist, et des plus bouleversants. Jamais il n’en avait autant dit sur lui, jamais il ne s’était autant confié, jamais autant mis son âme à nu. Tel qu’en lui-même. L’Exil intérieur : le titre donne le ton. Impossible de ne pas songer à l’« émigration intérieure » des immenses Gottfried Benn et Ernst Jünger.
Certes, les contextes historiques sont différents, mais pas l’état d’esprit. Dans Mémoire vive (aujourd’hui réédité), Alain de Benoist nous avait livré son autobiographie intellectuelle. Dans L’Exil intérieur, c’est son testament spirituel et les clairs-obscurs de son âme qu’il soumet au lecteur. Autant de pensées pour soi-même et de manuels que l’on garde sous la main, comme disaient les Anciens, de Marc Aurèle à Épictète – sa famille. Au jeu des questions-réponses, nous l’avons soumis à un « interrogatoire » d’un genre particulier, non pas un « J’aime, j’aime pas », mais un « Ou bien ou bien ». Exercice difficile pour lui tant il se situe toujours sur deux plans, comme sa divinité fétiche, Janus biface.Alors, Alain de Benoist, qui êtes-vous ?
ÉLÉMENTS : Êtes-vous plutôt romantique ou classique ?
ALAIN de BENOIST. Romantique de cœur, classique de raison.
ÉLÉMENTS : Plutôt Friedrich Nietzsche ou Martin Heidegger ?
ALAIN de BENOIST. Nietzsche m’a permis d’aller très loin dans la bonne direction, Heidegger d’aller encore plus loin.
ÉLÉMENTS : Plutôt amitié ou amour ?
ALAIN de BENOIST. L’amitié se fonde sur la durée, l’amour sur l’intensité. Les deux vont rarement de pair. Ce sont donc deux planètes différentes. Il faut savoir habiter l’une et l’autre.
ÉLÉMENTS : Plutôt porté vers l’Antiquité ou la modernité ?
ALAIN de BENOIST. À votre avis ?
ÉLÉMENTS : Plutôt esprit français ou âme allemande ?
ALAIN de BENOIST. Les deux, mon général.
ÉLÉMENTS : Plutôt Henry de Montherlant ou Louis-Ferdinand Céline ?
ALAIN de BENOIST. Ça dépend de mon humeur du moment.
ÉLÉMENTS : Plutôt Marx ou Proudhon ?
ALAIN de BENOIST. Marx est celui qui a vu le plus clair sur le capitalisme. Mais sur le plan politique, c’est plutôt Proudhon qui avait raison.
ÉLÉMENTS : Plutôt Péguy ou Bernanos ?
ALAIN de BENOIST. Pénos ou Bernaguy : je les lis en continuité l’un de l’autre.
ÉLÉMENTS : Plutôt rouge ou noir ?
ALAIN de BENOIST. Rouge : la pourpre impériale, le drapeau de la Commune.
ÉLÉMENTS : Plutôt eau ou feu ?
ALAIN de BENOIST. Le feu purifie, l’eau m’angoisse.
ÉLÉMENTS : Plutôt oui ou non ?
ALAIN de BENOIST. Non à tout ce qui ne mérite pas qu’on lui dise oui. Donc, surtout non.
ÉLÉMENTS : Plutôt Nord ou Sud ?
ALAIN de BENOIST. Les deux pôles de mon univers intérieur.
ÉLÉMENTS : Plutôt espace ou temps ?
ALAIN de BENOIST. Le temps n’existe pas. Il n’y a que des espaces de temps.
ÉLÉMENTS : Plutôt tenue ou élégance ?
ALAIN de BENOIST. La tenue d’abord. L’élégance quand elle se rapporte à la façon d’être.
ÉLÉMENTS : Plutôt volontaire ou mélancolique ?
ALAIN de BENOIST. C’est l’acédie qui nuit à la volonté, pas la mélancolie, qui peut en être un puissant ressort.
ÉLÉMENTS : Plutôt hier ou aujourd’hui ?
ALAIN de BENOIST. Demain.
ÉLÉMENTS : Plutôt fragments ou longs traités ?
ALAIN de BENOIST. Le yin et le yang. L’un et l’autre me sont indispensables.
ÉLÉMENTS : Plutôt chats ou chiens ?
ALAIN de BENOIST. J’aime les chiens, je vénère les chats.
ÉLÉMENTS : Plutôt cinéma ou théâtre ?
ALAIN de BENOIST. Au cinéma, je suis dans le film. Au théâtre, je reste dans la salle.
ÉLÉMENTS : Plutôt oral ou écrit ?
ALAIN de BENOIST. Écrit, bien sûr. L’oral m’ennuie – et les paroles s’envolent.
ÉLÉMENTS : Plutôt langage ou musique ?
ALAIN de BENOIST. La musique est un langage, le langage peut être une musique (et même une « petite musique »).
Tribune reprise de revue-elements.com
Editions Krisis 495 pages 24euros