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A.D.G. : un écrivain enraciné, par Benoît Loeuillet

 

Difficile de s’appeler Alain Fournier (homonyme du célèbre auteur du Grand Meaulnes) lorqu’on veut vivre de sa plume ! La place est prise ! Qu’à cela ne tienne, ce sera A.D.G. (Alain Dreux Gallou tirés des noms de famille de deux de ses grands-parents).

Né le 19 décembre 1947 à Tours, A.D.G. est considéré comme un des maîtres français du roman noir. Il lança en effet la collection Série Noire chez Gallimard en 1971 mais sera également un journaliste d’opinion de talent.

Après avoir été enfant de troupe à l’âge de douze ans et être sorti du système scolaire avec pour seul bagage son BEPC, il débute dans la vie active comme employé de banque, puis exerce les métiers de bouquiniste et de brocanteur : « Étant bouquiniste et lisant mon fonds davantage que le vendant, je n’eus pas de peine à assouvir mes faims de lecteur et la découverte des pamphlets (de Céline évidemment) me secoua rudement ». C’est décidé, il vivra de sa plume et son premier roman intitulé « Lettre ouverte à un magistraillon » en 1969 résume bien le style où s’entremêle des avalanches de trouvailles argotiques, des calembours et néologismes. La parodie n’est jamais loin et bouscule les codes habituels du polar. On pense à Audiard, Boudard, ça fleure bon la France des années 70, Paris, le Berry mais surtout sa région natale : Tours, Véretz, Bléré, Francueil, Amboise, La Croix ou Loches (cf. notamment Pour venger pépère). Il signe chacun de ses romans en y insérant une allusion au pamphlétaire Paul-Louis Courier dont le monument commémoratif se trouve sur la place principale de Véretz depuis 1878, et un de ses personnages fétiche, le journaliste alcoolique et anarchisant Sergueï Djerbitskine, alias Machin est en partie inspiré de son ami Serge de Beketch, né à Tours lui aussi.

Cet amour pour sa terre le conduira tout naturellement à la politique… à droite :

« C’était encore notre manie de jouer les Hussards : entre l’élitisme et l’éthylisme, plus très jeunes gens de trente-cinq ans, nous avions choisi le cynisme morbide de ceux qui sont condamnés par la massification. Vilain mot qui commence comme massicot et finit comme dissection mais bref, nous étions de droite rien que pour emmerder le monde qui d’ailleurs s’en fichait. »

Il trempa sa plume dans le vitriol pour Minute, le Figaro Littéraire ou Rivarol. Il s’engagera également férocement dans le combat contre l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, où il s’exilera de 1981 à 1991. Cela lui valu d’être le seul auteur de renom de la Série noire à ne pas être réédité lors du cinquantenaire de la collection en 1997. Une marque de plus de la tolérance du parisianisme littéraire… mais comment pourraient-ils accepter ces réponses iconoclastes lors du fameux questionnaire de Proust ?

“— Tes héroïnes dans la vie réelle ?
Jeanne d’Arc, sainte Blandine, la duchesse d’Angoulême.

— Fait militaire que tu admires le plus ?
732 : la bataille de Poitiers.

— Tes auteurs favoris en prose ?
Marcel Aymé, Jacques Perret, Alexandre Dumas, Céline.”

Les obsèques d’A.D.G., célébrées le 5 novembre 2004 en l’église Saint-Eugène Sainte-Cécile à Paris – avant son inhumation dans sa terre de Véretz –, ont donné l’occasion de voir réunies diverses personnalités de la « droite nationale », mais aussi Dominique Jamet ou Jean Raspail.

Quand vous passez par Véretz, n’oubliez pas de boire un petit blanc afin de saluer cet homme libre, et pour ne pas lui donner raison « Fais chiant si tu veux, mais fais court ! », je vous tire ma révérence en espérant que ces quelques lignes vous auront donné envie de lire un de ses polars !


Crédit photo Une : Association Les Amis d’A.D.G.

source.novopress.info

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