Et qu’est-ce qu’il y connaît, monsieur Lasvignes, à l’art moderne ou même à l’art tout court ? Rien. Certes, me direz-vous, il n’est pas le premier. Je me souviens, d’ailleurs, des confidences que me fit un témoin de la scène, voilà bien des années, d’un Chirac déboulant en trombe dans le bureau de son ami Toubon et lui disant : « Trouve moi un pédé pas trop de gauche pour s’occuper de Beaubourg. » Ledit « pédé » fit une belle carrière qui l’amena ensuite rue de Valois et nous valut, pour finir, les homards de Jeff Koons à Versailles…
Bref, ce Serge Lasvignes est sans doute un homme respectable. Un parfait haut fonctionnaire de la République passé de l’ENA aux lambris du pouvoir, et si efficace sans doute qu’il a réussi à demeurer secrétaire général de l’Élysée sous trois présidents successifs : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et l’actuel François Hollande. Pourtant, secrétaire général est un rôle essentiel qui suppose une grande intimité avec le chef de l’État dans la mesure où celui qui est souvent appelé le « vice-président » a réellement la main sur tout. Affaires privées comme publiques, et particulièrement les affaires internationales.
D’aucuns ont ainsi fini ministre des Affaires étrangères, ou même Premier ministre. Mais directeur de musée, c’est une première ! Alors, forcément, la nomination de Serge Lasvignes a du mal à passer dans le milieu culturel.
D’autant qu’il y avait au remplacement d’Alain Seban, arrivé en fin de mandat, des candidats sérieux. Deux au moins : Olivier Poivre-d’Arvor, frère de l’autre, patron de France Culture, et Éric de Chassey, aujourd’hui à la tête de la Villa Médicis à Rome.
Ce dernier est un grand ami de Julie Gayet, laquelle insistait fort, paraît-il, pour lui obtenir ce mandat prestigieux à Beaubourg (comme elle lui avait obtenu, dit-on, le précédent).
Mais les intrigues d’alcôve ne peuvent pas tout et, si l’on en croit la rumeur, « une bataille rangée aurait eu lieu en coulisses : alors qu’Éric de Chassey était préféré côté Élysée, Olivier Poivre-d’Arvor avait le soutien du ministre de la Culture Fleur Pellerin » (Le Figaro).
Alors, qu’est-ce qui vaut à Serge Lasvignes cette fin de carrière inattendue ? Rien qu’une partie de « pousse-toi de là que je m’y mette », autrement appelée jeu de chaises musicales. Il fallait récompenser l’ancien directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre ectoplasmique des débuts du quinquennat. Christophe Chantepy, donc – c’est son nom –, devrait atterrir dans le fauteuil doré de secrétaire général du Conseil constitutionnel, ce qui contraint à en dégager l’actuel occupant, un certain Marc Guillaume.
Lequel va être recasé comme secrétaire général à l’Élysée, et en chasse de ce fait… Serge Lasvignes, à qui il faut bien offrir, aussi, en guise de dédommagement, un hochet en platine. Ce sera la direction de Beaubourg.
Que disait-il, déjà, notre rondouillard à teinture : « Le changement, c’est maintenant » ?
