On nous dit que le climat change… il paraît qu’il se réchauffe. C’est surtout que le temps passe, que les générations trépassent, qu’avec le temps la parole se libère et qu’il est un temps, justement, que les moins de 20 ans, désormais, ne peuvent pas connaître… Si bien qu’ils s’en foutent.
Michel Sardou est de retour dans l’actualité sans que le Tout-Saint-Germain-des-Prés ne se mette une pince sur le nez. Dans un film à sortir (La Famille Bélier), une jeune femme à la voix charmante – elle s’appelle Louane Emera – chante du Sardou. Et comme dit son prof de chant choral : « On va s’attaquer à un monument, parce que Michel Sardou est à la variété ce que Mozart est à la musique classique : intemporel. »
Elle a 18 ans tout juste, Louane Emera, alors les accusations de fasciste, sexiste, patriote, colonialiste, nazillon ou vendu aux Ricains portées contre le chanteur dans les années 70 et suivantes, ça lui parle à peu près autant que la bataille d’Azincourt. Invitée ce vendredi matin sur RTL, elle parlait benoîtement de la beauté des textes, de la limpidité des mélodies, et quand on l’entend chanter La Java de Broadway ou Les lacs du Connemara, « on a les poils », comme dit un musicien que je connais bien. Et le plus drôle, ce sont tous ces animateurs de radio qui avouent, comme un péché qu’on ne confesserait qu’au seuil de la mort, qu’ils ont toujours aimé Sardou. Mais que voilà, quand on l’achète, on le cache sous le manteau. Parce que se faire « pécho » avec du Sardou, ça vous classe aussi sûrement que de chanter du Céline Dion en passant l’aspirateur avec des bigoudis sur la tête.
Bref, reviens Sardou, tout est pardonné ! Mais on ne l’attrape pas comme ça, le bonhomme (qui ressemble de plus en plus à feue sa mère Jackie). Et puis avec ses 90 millions d’albums vendus, ce qui le classe dans les recordmen mondiaux de la catégorie, il se moque bien des tartuffes qui font la fine bouche et pensent que l’étiquette « chanteur populaire » est une injure obscène. Michel Sardou est un homme libre, et libre de ses mots pour commencer. Il vient de le prouver une fois encore en répondant au Figaro.
L’interdiction des crèches ? « Je ne suis ni fervent catholique, ni pratiquant, mais là, non. Qu’est-ce que c’est que ces conneries ! Ça dérange qui ? On prend des décisions qui n’ont rien à voir avec la vie des gens. On va peut-être interdire les bûches de Noël, aussi. Au nom de la laïcité, détruisons les églises pendant qu’on y est, faisons de la cathédrale de Chartres une grande HLM. Supprimons Kippour, le ramadan. » Sardou est un libertaire, y compris pour le travail du dimanche : « Mais pourquoi on casse les pieds aux gens ? Ceux qui veulent travailler, ils travaillent et les autres, non ! Moi je travaille bien le dimanche, personne ne m’emmerde. C’est une manif pour rien. »
Ce qui le différencie de tant d’autres, c’est que Sardou ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas, et quand on lui demande s’il a des idées pour sortir le pays du marasme, il répond : « Si j’avais des solutions, j’ouvrirais ma gueule. Mais je ne sais pas ce qu’il faut faire. Ce n’est pas mon métier. Moi, je suis divertisseur. » Simplement, au nom du bon sens, il a une supplique à adresser aux Français et surtout à ceux qui les gouvernent : « Arrêtons d’être cons. »
Il y a du boulot.