Mais ça, c’était avant. En temps de paix.
Aujourd’hui, nous sommes en guerre, comme l’ont dit l’ombrageux Manuel Valls et son compère de l’Intérieur. Alors, Vigipirate et état d’urgence ont transformé le quartier en bunker. Au grand dam des commerçants qui se sont confessés au Parisien ce lundi.
La rue est fermée de 10 heures à 19 heures, occupée par des fourgons de police en enfilade. Les seuls piétons sont des policiers en armes et des « barrières Vauban » sont venues doubler sur des kilomètres les petits potelets chers à monsieur Delanoë. Alors, forcément, on n’a pas très envie de faire du lèche-vitrines avec un FAMAS pointé dans le dos.
« La rue du Faubourg-Saint-Honoré était une des rues les plus cotées de Paris avec l’avenue Montaigne. Maintenant, c’est zéro, les gens ne passent plus », dit une dame au bord de la ruine, vu qu’elle paye 7.000 euros mensuels de loyer pour une boutique de 28 m2 aujourd’hui désertée. Idem pour sa voisine qui vend des vêtements de luxe pour enfants. Elle raconte sa vie de déprime : « Depuis les attentats de janvier 2015, comme tout le monde, nous subissons une baisse de fréquentation des touristes de 30 %. Mais à cela s’ajoute une baisse de 40 % à cause de toutes ces restrictions de déplacement », dit-elle, expliquant qu’avant 10 heures du matin, elle est « obligée de montrer (s)on laissez-passer piéton ». Ce qui est à l’origine de drames intimes : « L’autre jour, une cliente est arrivée accompagnée de deux agents, juste pour acheter une petite culotte. » Terrible. Et plus invraisemblable encore : il arrive que le galeriste qui paye 170.000 euros par an pour ses trois vitrines n’arrive parfois même pas à rentrer chez lui.
Bon. Séchons nos yeux et PO-SI-TI-VONS.
Primo, s’ils sortaient de leur VIIIe arrondissement, ces commerçants-là sauraient qu’ils ont, en fait, beaucoup de chance : leurs boutiques et vitrines de luxe ne partent pas en miettes sous les coups de boutoir des casseurs et malfrats, comme ailleurs dans la capitale.
Secundo, la vérité sur la sociologie du quartier et de sa clientèle m’oblige à faire, ici, une mise au point. Je n’achète pas une petite culotte taille 18 mois dans une boutique où on la vend au-dessus de 50 euros et où le moindre pyjama en vaut au minimum 200.
La rue du Faubourg-Saint-Honoré fut une rue prestigieuse, c’est vrai, mais il faut remonter aux années 80 du siècle dernier pour y croiser autre chose que les coursiers des palaces. La vie, la mode, les boutiques des « créateurs » sont, depuis 30 ans, parties dans le Marais et l’est de la capitale. La clientèle qui fréquente le quartier de l’Élysée aujourd’hui n’est plus que celle à qui il appartient : les rois du pétrole, et surtout leurs épouses qui cachent lingerie de grand luxe et toilettes griffées sous la bâche.
Mais rassurons-nous, tout va s’arranger. La ville et l’État ont promis de prendre, d’ici la fin de l’année, des mesures propres à faciliter la vie du petit commerce de luxe : « De nouvelles barrières, plus esthétiques, devraient être installées. ». Dorées, j’espère, avec des strass ?