Pour vivre de sa passion, il livre des colis en skateboard
Thibault a débuté un petit business de coursier … en skate. Colis sous le bras, il sillonne la capitale de livraison en livraison. Un projet qui compte sur des arguments écolo pour décoller.
Thibault livre en skate, et fait même ses propres planches.
Un taxi frôle Thibault alors qu’il descend en skate l’avenue Mac-Mahon. Derrière lui, l’Arc de Triomphe. Léger, bouclettes au vent, le skateur est dans son élément. Cette jolie descente entre les immeubles haussmanniens, l’auto-entrepreneur de 31 ans la connaît par cœur : « Si tu attends 3 ou 4 secondes après le passage au vert du premier feu, tu peux avoir tous les suivants vert. Et tu peux aller jusque Pereire comme ça. » Le grand brun passe plusieurs fois par semaine par cette route pour venir y chercher des colis, avec lesquels il traverse Paris… en skate.
COURSIER-SKATEUR Thibault Lamarque a créé le concept de coursier skateur. C’est-à-dire qu’il promène ses livraisons d’un point A à un point B dans la capitale avec sa planche comme moyen de locomotion. Aujourd’hui, il a apporté un petit chariot. « Je vais devoir emmener des paquets volumineux, de plus de 15kg, de Charles de Gaulle à La Défense. » Voilà sept mois qu’il a entamé son business, Chaparral Skateboard. « C’est aussi la marque des planches que je dessine », détaille Thibault en tapant au digicode d’une grande porte verte. Une fois dans l’entrée, le jeune homme dépose sa planche et son chariot pour grimper au premier, son sac sous le bras, avant de toquer à la porte du petit bureau.
TARIFS AVANTAGEUX Anna Samoliotova, une blonde menue, le reçoit avec un grand sourire. C’est une des clientes régulières de Thibault. Il effectue une à trois livraisons par semaine pour son entreprise qui organise des formations sur des produits financiers. Élégante dans sa robe bleu marine, la jeune femme sort de son bureau pour lui pointer du doigt deux paquets en carton. Ses livraisons du jour. Comme elle, ils sont une petite demi-douzaine à solliciter le jeune homme. « Le service intéresse aussi de vieilles personnes, qui le plus souvent ont du mal à se déplacer », ajoute l’entrepreneur à roulettes.
Sa planche, ses clients s’en soucient peu en général. « Tant que les commandes arrivent en temps et en heure, ça me va », sourit Anna. Si elle deale avec le skateur, c’est pour ses prix « qui défient toute concurrence » : 7 euros la course généralement, avec possibilité de tarifs dégressifs sur abonnement.
PROTOTYPE Thibault le sait, son concept ne fait pas encore mouche. Par un manque de communication en grosse partie, mais également parce que l’offre n’a pas encore rencontré la demande :
« J’ai eu plus de demandes de gens qui voulaient être coursier skateur que de demandes pour le service… »
Pour l’instant, il vit de son travail administratif dans l’entreprise Shaparral, la boite de papa. Shaparral Skateboard est une succursale de l’entreprise familiale, spécialisée dans le transport routier et basée à Saint-Nazaire, sa ville d’origine :
« Je touche un peu plus du Smic grâce à l’entreprise, et je m’en sers pour investir dans ma branche skateboard. »
ECOLOGIE Pour séduire de nouveaux clients, Thibault compte sur les arguments écolos de sa petite boîte. Faire des livraisons en skate est une façon de répondre aux problèmes de circulation en ville. Et surtout de s’attaquer à la pollution de l’air. « Je veux pousser l’idée que le skate est un mode de transport à part entière et une alternative propre aux véhicules motorisés. » Une vraie tendance selon lui, « puisqu’on voit de plus en plus de personnes se déplacer en skateboard dans les rues de Paris ».
Le skateur de citer le grenelle de l’environnement qui dans ses propositions préconisait un recours au combiné rail-route pour faire baisser le taux de CO2 : « C’est ce que je fais : métro – skate. A l’échelle d’une ville bien sûr. Je ne sais pas vraiment si c’est efficace, mais j’expérimente. » Ce jour-là Thibault trimbale comme il peut son chariot dans les couloirs du métro pour attraper la ligne 1.
PHILOSOPHIE DE VIE La Défense, terminus, tout le monde descend. Dans le flux des passagers, Thibault se fraie tant bien que mal un chemin. Son chariot toujours en main, et sa planche sous le coude, il rejoint l’esplanade. C’est sous un soleil éclatant, et entre la masse d’employés de bureau en costard – cravate et tailleur descendus pour leur pause déjeuner, que le garçon s’élance sur son skate, ses paquets sur roulettes derrière lui. Le tout dans l’indifférence la plus totale. Personne n’a la curiosité de se retourner sur cet étrange coursier en polo bleu et jean beige. « C’est ça la liberté. Être sur ton skate et rouler librement », jubile Thibault.
L’ancien étudiant en droit arrive finalement à l’adresse de sa livraison, en bas d’une tour. Un homme réceptionne froidement le paquet à travers une petite fenêtre, un regard en coin sur le skate. Pas de réaction. La course est terminée. Thibault remonte, sa planche sous le bras, vers l’Arche de La Défense. Sur le chemin, il raconte son idéal de vie, façon Lords of Dogtown:
« Un mec qui skate toute la journée. Et des fois tu l’appelles pour une course. Bien sûr, il vient direct, parce qu’il n’a rien à faire d’autre que skater. »
Thibault sait que son business est déficitaire et son projet idéaliste. Mais il se targue d’avoir signé les premiers contrats de transport en skate de l’histoire.
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