Suppression de 80.000 postes dans un sens (par Sarkozy), création prévue de 60.000 dans un autre (par Hollande), tout cela est « vain si cela se fait à coup de règles de gestion inchangées ». « Vain » ! Comme elle y va ! La Cour des comptes exagère un peu : les 60.000 nouveaux postes vont quand même faire plaisir aux copains, les amadouer un peu au moins, car les profs peuvent se révéler extrêmement ombrageux, n’hésitent pas à se mettre en pétard même contre ceux qu’ils ont élus en masse (confer les rythmes scolaires), et quand ils font la grève, c’est toute la France qui arrête de bosser puisqu’il faut bien que quelqu’un prenne en charge la marmaille.
Mais l’idée générale est là : on peut toujours s’y mettre à plusieurs, tant que l’on s’y prend comme des pieds, on ne risque pas de résoudre les problèmes de l’Éducation nationale.
« Une inadaptation des règles qu’aucun gouvernement n’est parvenu à faire évoluer. » Ah, qu’en termes galants ces choses-là sont dites. Un grand foutoir, oui. Dans lequel aucun gouvernement n’a eu le courage d’aller vraiment fourrager car cela supposerait de s’interroger sur le bien-fondé de ce que l’historien Jean de Viguerie, spécialiste de l’histoire de l’éducation, appelle les « utopies pédagogiques », qui sévissent autocratiquement dans l’enseignement français depuis cinquante ans, véhiculées par quelques grands prêtres comme Meirieu et leurs pieuses incantations : « la réussite pour tous », « le vivre-ensemble », « l’appropriation du savoir ».
Nous sommes d’accord, sur le papier, ça avait l’air sympa : plus d’égalité pour mettre un terme à cette fameuse reproduction des élites évoquée par Bourdieu, moins d’enseignement magistral, le professeur devenant une sorte de médecin accoucheur pour l’élève qui découvrirait le savoir par lui-même. Sauf que l’obstétrique, c’est bien à la maternité, mais en salle de classe… cela n’aboutit pas à grand-chose, surtout pas à la « réussite pour tous », au « vivre-ensemble » et à « l’appropriation des savoirs ».
Et cela génère encore plus d’inégalité : évidemment, qui se sort bien de ce « fais ta leçon toi-même » couplé à une quasi-disparition des enseignements classiques, de cette méthode globale, de cette suppression des dictées, du passé simple rencontré au hasard d’un texte en français (mais une simple rencontre suffit-elle pour faire vraiment connaissance ?), de ces livres de Marie-Aude Murail étudiés en 5e parce qu’ils prônent la lutte contre l’homophobie et sont quand même plus sexy qu’une pièce de Molière, de ces propriétés de maths que l’on doit découvrir soi-même dans un exercice avant de les avoir abordées en cours ? Ceux qui ont des parents suffisamment cultivés, motivés, instruits pour, le soir, expliquer et rabâcher, suffisamment fortunés pour offrir un prof particulier, un abonnement à la Comédie-Française… et aussi, s’il le faut, une école privée « mieux fréquentée », plus calme et plus cotée, loin par exemple des classes dont la progression est plombée par une population allochtone trop nombreuse et que ces apprentissages ultra light ne risquent pas d’aider à intégrer cette langue française qu’ils ne parlent pas à la maison.
Un grand foutoir qui nécessiterait une pelleteuse, et pas une petite toilette à la lingette façon Peillon. C’est bien ce qu’a voulu dire la Cour des comptes, non ?
source BoulevardVoltaire