Dans le petit monde de l’édition, on sort probablement trop de livres ; mais on n’en publie malheureusement pas assez de ce calibre, façon 7,65. Du lourd qui percute définitivement le fâcheux à plus de cent mètres.

Frédéric Beigbeder, auteur parfois surestimé, mais critique littéraire généralement sous-estimé, ne s’y est pas trompé en lui consacrant récemment une pleine page dans Le Figaro Magazine. Car il y a là une histoire qui tient la route (nous ne sommes pas dans l’autofiction façon Christine Angot et son Doc Gynéco ne lésinant pas sur la sueur pour passer en mode « vices orientaux ») : pour les sceptiques, c’est de l’authentique et ça a même été salué dans Libération et Le Monde ; c’est dire…

L’histoire, donc : les pérégrinations de Berthelot et Cro-Magnon. L’un vendeur d’ascenseurs d’intérieur en pleine cambrousse et l’autre, ancien soldat d’Afghanistan qui confond talibans et kanaks. Puis un aristocrate farfelu vivant en demi-phalanstère dans un manoir en ruines – nous ne sommes pas loin du Clérambard de Marcel Aymé –, entouré de marginaux plus ou moins mystiques, nudistes et végétaliens. Sans oublier quelques barbouzes partis à la recherche d’un document aussi officiel que confidentiel, mais dont tout le monde ici se fout.

Mieux que cela, il y a aussi dans ce Bocage à la nage une ambiance, une plume, une langue, une musique. Tour à tour noirâtre et douce, mélancolique et propre à vous exploser les zygomatiques. Michel Audiard, évidemment, n’est pas loin ; mais cette musique ne saurait être autre que celle d’Olivier Maulin.

Qu’il soit un « auteur » ou non importe finalement peu, puisque s’agissant d’un écrivain. D’un vrai, certes un peu foutraque et dont le style sent parfois un peu sous les bras, ce qui participe de son charme, puisque sueur plus issue des champs de Mayenne que des boîtes de nuit parisiennes. Un écrivain français, pour résumer.

Le but de ce feuilleton ? Vous mettre l’eau du bocage et du vin d’Anjou à la bouche. Mais attention si, en exclusivité, infos75 vous servira l’apéro, à raison de cinq petits godets au comptoir, chichement comptés jour après jour : pour avoir la boutanche entière et l’ivresse littéraire totale, prière de passer à la caisse des éditions Balland ayant eu la mirifique idée d’éditer ce livre dont on parlera encore dans cent ans, juste histoire de se faire une meilleure idée de cette fin de monde dans lequel, aujourd’hui, nous pataugeons tous plus ou moins.

À la santé d’Oliver Maulin, en attendant qu’il nous remette sa tournée au bar !