Lafont, c’est une histoire comme on en faisait dans les années cinquante : la chance qui passe dans les arènes de Nîmes sous les traits d’un beau jeune homme, Gérard Blain, qui l’épouse. Il est comédien, présente sa jeune femme à sa bande de potes, et c’est parti. Dans un temps où les nunuches s’émancipent par la teinture blond platine, la brune provençale révolutionne le cinéma. Sort en 1958 Le Beau Serge, de Claude Chabrol, et voilà Bernadette Lafont égérie de la nouvelle vague. Laquelle ne sait pas encore qu’elle est la nouvelle vague.
Celle qui n’était entrée dans le cinéma que parce qu’elle rêvait de devenir actrice va devoir apprendre son métier. Elle quitte Blain, trouve l’amour, le vrai, puis les enfants… Elle aurait pu laisser tomber, laisser faire le temps, mais elle va sortir d’un relatif oubli dix ans plus tard avec le film de Nelly Kaplan : La Fiancée du pirate. Un premier rôle cette fois, celui de Marie, dont Jean-Louis Bory écrit alors dans Le Nouvel Obs : « En fille insoumise, en vamp pétroleuse, en Antigone de la bouse de vache, elle est du tonnerre de Belzébuth. Quel œil ! Ça pétille jusque dans les coins, et quel sourire ! Réservoir des sens et championne du mauvais esprit, elle ravage tous les plans. »
Bernadette Lafont s’en est allée jeudi dernier après un dernier pied de nez à la bien-pensance. Son dernier film, Paulette, sorti en janvier dernier, a fait un triomphe. Elle y incarne une mamie indigne qui arrondit sa retraite en vendant ses petits gâteaux au cannabis.
Lafont avait la santé, celle qui s’écrit joie de vivre. Son rire, sa gouaille et surtout sa franchise libertaire vont nous manquer.
Écrivain, musicienne, plasticienne.
source -Boulevard Voltaire