C’était il y a 30 ans. Le 27 janvier 1983. Un jeudi. Ce jour-là, mon père me réveilla pour aller au lycée par un coup de poing dans la gueule. Pas un vrai coup de poing (il en aurait été incapable), mais une phrase : « Philippe, Louis de Funès est mort cette nuit.
– Que s’est-il passé ?
– Crise cardiaque. »
Louis de Funès avait tiré sa révérence, dans la nuit, en silence. Inutile de dire que, devant le lycée, nous étions abasourdis et ceux à qui nous apprenions la nouvelle tombaient des nues. Louis de Funès, qui nous avait tant fait rire, nous faisait pleurer… Comme la France entière, comme dans nombre de pays où sa popularité était immense.
Trente années plus tard, qui oserait dire que Louis de Funès est mort ? Personne. Les enfants nés vingt ans après connaissent ses films par cœur. Dans vingt ans, leurs enfants les connaitront. Avec Victor Pivert, entrepreneur à Paris, irascible et raciste héros de « Rabbi Jacob ». Avec Don Salluste, ministre des Finances de la Couronne d’Espagne, aussi machiavélique que tyrannique dans « La folie des grandeurs ». Avec le Maréchal des Logis Chef Cruchot, commandant en second de la brigade de gendarmerie de Saint Tropez.
De Funès était un acteur hors pair, un très grand comique, tant par ses grimaces que par ses répliques, tant par son regard que par ses mimiques. Il était l’acteur populaire par excellence, ce qui explique pourquoi il fût systématiquement démoli tant par Le Monde que par Libération pour qui le mot « culture » ne peut en aucun cas rimer avec « populaire ».
Populaires, les films de Louis de Funès. Et « à message », comme on disait alors. Sur la tolérance dans « Rabbi Jacob » ; sur les relations noblesse-tiers état dans « La folie des grandeurs » ; sur la malbouffe dans « L’aile ou la cuisse » ; sur l’écologie dans « La zizanie ».
Le jour où Louis de Funès a arrêté de tourner, c’est un certain cinéma français qui est mort, une époque qui a pris fin. Celle d’une France insouciante et heureuse, qui riait, faisait la fête, ne connaissait ni le chômage, ni la pauvreté, où l’on se savait un avenir. La fin, aussi, d’un cinéma qui faisait le plein d’entrées et s’exportait (très) bien.
Merci Monsieur de Funès. Mais encore une faveur : s’il vous plait, là-haut, avant que je vous rejoigne à mon tour (le plus tard sera d’ailleurs le mieux), jouez à mon père la scène d’Oscar, dans laquelle vous « pétez un câble » ; nous en avons tant ri ensemble…