« Si nous avions repris dans notre livre certains textes extraits de Marx sans en indiquer la source, il n’est pas impossible que la loi Gayssot nous eût été appliquée »
propos recueillis par Aliénor Marquet.
Roland Gaucher et Philippe Randa ont jeté un pavé dans le marigot du conformisme politique en s’attaquant à un sujet sulfureux. Parce que tout ce qui touche aux juifs et à l’antisémitisme est toujours délicat dans le contexte d’hystérie médiatique actuel. Et parce que, ni l’un ni l’autre n’étant de gauche, le pire dans leurs révélations était bien évidemment à craindre pour les tenants du politiquement correct. Lecture faite de leur livre, c’est incontestablement le cas.
Dans le titre de votre ouvrage,
pourquoi le mot « Antisémites » figure-t-il entre guillemets ? Essentiellement pour deux raisons. D’une part, beaucoup d’auteurs révisionnistes poursuivis au nom de l’infâme loi Gayssot sont accusés d’être antisémites ; ils s’en défendent avec vigueur et sont vraisemblablement sincères. D’autre part, un certain nombre de dirigeants et de militants d’extrême gauche assurent qu’ils sont antisionistes, mais non pas antisémites, ce qui est parfaitement possible ; mais ils sont pro-palestiniens et considèrent la présence israélienne dans ce pays comme une occupation colonialiste, avec son lot d’attentats et de répressions sanglantes ; aussi peuvent-ils parfaitement basculer dans l’antisémitisme le plus radical. En revanche, il suffit de se référer à certaines phrases du célèbre théo-ricien de gauche du XIXe siècle, Joseph Proudhon, pour se rendre compte qu’il fut indéniablement antisémite, et l’on se demandera comment, dans ces conditions, des juifs peuvent, par exemple, continuer à fréquenter le Cercle Proudhon à Besançon…
Ne pourrait-on faire la même remarque au sujet de Karl Marx ?
Sans doute. Si nous avions repris dans notre livre certains textes extraits de Marx sans en indiquer la source, il n’est pas impossible que la loi Gayssot nous eût été appliquée.
Pensez-vous qu’à l’intérieur du parti bolchevique il y ait eu, à certaines périodes, conflit entre éléments juifs et non juifs ?
Évidemment. Dans l’élimination de Trotski, dans les procès de Moscou avant-guerre, une certaine dose d’antisémitisme n’est pas absente. Après la guerre, le procès dit du « complot des blouses blanches », fomenté par Staline et avorté du fait de son décès, est incontestablement antisémite. Il a été approuvé par tous les dirigeants communistes français de l’époque et par la clique de leurs « intellos »… Qui le leur rappelle ? La fin de Staline, survenue peu après, reste mystérieuse. Qui a enquêté à ce sujet ? Ajoutez que nous reproduisons une brochure signée Gédéon Hagonov, pseudonyme de Boris Souvarine, qui révèle l’antisémitisme de Staline à l’égard des juifs polonais, au temps du Pacte germano-soviétique. Qui rappelle cela, aujourd’hui où les manifestants de Guennadi Ziouganov, le principal opposant de Vladimir Poutine et chef du Parti communiste russe , défilent – par exemple pour la commémoration de la Révolution d’Octobre – avec des banderoles sur lesquelles figure le mot « youpin » ? Si des membres d’un parti politique français en faisaient autant dans notre pays, vous imaginez le tollé ? Mais là, silence dans les grands médias. Pourquoi ? Et ce sujet de l’antisémitisme, hier en
URSS, aujourd’hui en Russie, ne semble guère intéresser les chercheurs du CNRS !
Vous consacrez plusieurs chapitres aux historiens négationnistes, montrant que la grande majorité d’entre eux proviennent de gauche et d’extrême gauche. Pourquoi, à votre avis ?
Sans doute parce qu’une insidieuse propagande a réussi à faire entrer dans les esprits que l’antisémitisme était le fait exclusif de gens de droite et d’extrême droite, exactement comme, pendant très longtemps après la IIe Guerre mondiale, la collaboration française avec le IIIe Reich passait pour le fait des mêmes gens alors que la résistance aurait exclusivement été de gauche et d’extrême gauche. Aussi, les foudres de la justice, depuis la première loi liberticide Pleven, se sont-elles portées quasi-exclusivement sur les journalistes, écrivains et militants nationalistes, laissant par là même le champ libre aux gens de gauche et d’extrême gauche de s’exprimer. D’autant que ceux-ci le faisaient généralement au nom de la lutte contre le sionisme assimilé à une forme d’impérialisme, selon eux, quasi-fasciste. Puis, à la fin des années 70 du siècle dernier s’est déclaré le « scandale » des historiens révisionnistes qui remettaient en cause l’existence des chambres à gaz homicides. Le déchaînement médiatique et judiciaire contre eux a été tel qu’on n’a pu continuer de passer sous silence les écrits et les paroles des gens de gauche et d’extrême gauche. Cela aurait pu être le cas si ces derniers s’étaient brusquement rétractés. Au contraire, comme il s’agissait en général de « révolutionnaires » et non pas de gauchistes-caviar – sans doute, d’ailleurs, les seuls qui n’ont pas renié leur foi soixante-huitarde – il a bien fallu les reconnaître, même si cela a été pour les marginaliser aussitôt. Pour les médias, Pierre Guillaume (directeur des Éditions de la Vieille Taupe), Serge Thion (chercheurs au CNRS) et le philosophe Roger Garaudy sont les enfants honteux des Damnés de la terre !
Les « Antisémites de gauche », Roland Gaucher et Philippe Randa, éditions L’Æncre, 3e édition, 440 pages, 35 euros