Car Astérix n’est pas seulement le premier satellite français envoyé dans l’espace, en 1965, à l’époque du gaullo-communisme triomphant, mais également une bande dessinée qui, forte de 107 versions différentes, demeure celle ayant été la plus traduite au monde. Astérix, c’est donc l’irréductible petit Gaulois que l’on sait. C’est même une certaine vision de la France, pourrait-on ajouter.
Mais Astérix est-il si français que ça ? Au pinceau, Albert Uderzo, un enfant d’immigrés italiens. Dans les bulles, un juif polonais, René Goscinny, petit-fils de rabbin. Mais attention, pas n’importe quel juif, Goscinny ayant politiquement toujours été plus Zemmour que Minc. Trois de ses oncles sont morts en déportation. Sa famille, même si réfugiée en Argentine, le laisse rejoindre la France, là où il veut faire son devoir de patriote. En 1946, c’est un peu tard. Il n’empêche qu’il sert sous les ordres du maréchal de Lattre de Tassigny, illustrant le journal du 14 1e bataillon d’infanterie alpine. Ses « petits Mickeys », tel qu’on disait alors, font beaucoup rire le maréchal en question, qui le propulse tôt sergent. Pour le reste, René Goscinny apprend le métier à New York, avec Harvey Kurtzman, légendaire fondateur du mythique mensuel Mad, lointain ancêtre de notre Pilote national.
Et l’actualité immédiate ? Celle de sa fille Anne Goscinny qui, veillant d’une main de fer sur l’œuvre de son père, entend remettre les adaptations cinématographique de cette dernière au goût du jour. Ainsi, « Astérix doit plonger dans le XXIe siècle et plaire de la Pagode à Rosny-sous-Bois. Le dernier film (Au service de Sa Majesté) était trop cérébral. Il n’a pas traversé le périphérique. » En ligne de mire, le Mission Cléopâtre d’Alain Chabat, qu’Anne Goscinny cautionne à 200 %, tenant même le dernier représentant de « l’esprit Canal+ » pour « héritier naturel » de son défunt père.
Alors, Astérix en sweat à capuche ? Obélix en rappeur, façon Notorious Big ? Panoramix en dealer de potion magique ? Et Assurancetourix en Christophe Maé ? L’équation s’annonce des plus velues à résoudre.
De son temps, René Goscinny avait toujours su coller au sien : blagues sur les Beatles, clins d’œil appuyés aux célébrités de l’époque : Eddy Merckx, Guy Lux, Lino Ventura, Bernard Blier, Jacques Chirac et autres Pierre Tchernia. Est-il encore possible de perpétuer cet humour référencé ? Nul doute que l’affaire fera débat, mais pourquoi pas ? La blonde Lepénix contre le vilain Attalix ? Le gentil petit Debbouzix contre le grand méchant Dieudonnus ? Et, juste histoire de coller à l’histoire du siècle dernier : l’affreux Mitterrandus dans le rôle du maréchal Francix…
Il n’y a décidément qu’en France que l’on perd – de manière délicieuse, il va de soi – un temps paraît-il précieux. Irréductibles Gaulois que nous sommes…