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Tribune libre:Adjudant-chef Galabru, garde-à-vous ! Repos…

Repos bien mérité lorsqu’on s’endort dans son sommeil, tel un bébé, à l’âge vénérable de 93 printemps. Ainsi, Michel Galabru n’est plus.

 

Repos bien mérité lorsqu’on s’endort dans son sommeil, tel un bébé, à l’âge vénérable de 93 printemps. Ainsi, Michel Galabru n’est plus. Décidément, la Camarde, après avoir observé la trêve des confiseurs, met les bouchées doubles quant à nos célébrités nationales.

Tout petit, Michel Galabru voulait être footballeur, mais n’avait pas le physique ; alors, acteur, pourquoi pas ? Mais là, physique encore, il n’avait pas exactement celui du jeune premier. Il en souffrit beaucoup et longtemps, se rassurant en se disant qu’avec le sien, de physique, il y aurait toujours du boulot, au contraire de tant de clones de Gérard Philipe d’alors qui pointaient perpétuellement au chômage. Et c’est ainsi que ses films, ses téléfilms, ses pièces de théâtre se comptent aujourd’hui par centaines.

Dans ses mémoires, Je ne sais pas dire non (Michel Lafon, 2011), il se souvient : « Mon frère m’a dit un jour : “Quand je vois ton nom à l’affiche d’un film, je sais qu’il ne faut pas y aller !” Il avait raison, souvent, mais pas toujours. » D’ailleurs, Le Gendarme de Saint-Tropez, où son nom figurait en bonne place sur l’affiche, fallait-il y aller ou pas ? Les Français s’y ruèrent par paquets de millions, non sans quelques fort bonnes raisons.

À ce sujet, et toujours dans les mémoires évoqués plus haut, ce souvenir. Michel Galabru est au balcon de sa chambre d’hôtel, à Saint-Tropez. Justement, dans le patio, quatre producteurs sont en grande discussion. Coïncidence : ils préparent le financement du fameux « Gendarme ». L’un d’eux :

« – Bon, vous avez bien saisi ? Pour le rôle principal, je veux Louis de Funès.

Et pour les autres, vous me mettrez des ringards.
« – De Funès, d’accord, mais des ringards ?
« – Si, si, j’insiste, des ringards ! Ça me coûtera moins cher. »

Michel Galabru, l’adjudant-chef Gerber, fut l’un de ces « ringards ». Le rôle le rendit célèbre, lui permit de nouer une longue amitié, sincère et jamais démentie, avec Louis de Funès, lequel finit par exiger, lors du « Gendarme et les gendarmettes », que le nom de Galabru soit aussi gros que le sien sur l’affiche.

Michel Galabru, le « ringard », assurait encore : « J’ai tourné tellement de navets que ma carrière ressemble à un potager… » Ce n’est pas fondamentalement faux, même si le verdict mérite d’être affiné.

Car Michel Galabru, c’était Le Führer en folie (Philippe Clair), Y’a un os dans la moulinette (Raoul André), mais aussi Le Juge et l’Assassin (Bertrand Tavernier), rôle qui lui valut le César du meilleur rôle masculin en 1977. C’était aussi Le mille-pattes fait des claquettes (Jean Girault), Te marre pas… c’est pour rire ! (Jacques Besnard), mais encore Le Choix des armes (Alain Corneau). C’était encore Arrête de ramer, t’attaques la falaise ! (Michel Caputo), Ne prends pas les poulets pour des pigeons (Michel Gentil) mais, à la fin des fins, Uranus (Claude Berri).

Dans ce dernier film, adapté du roman éponyme de Marcel Aymé, il n’interprète qu’un second rôle : celui d’une fripouille enrichie au marché noir durant l’Occupation. Et brille de mille feux en une tirade demeurée d’anthologie. Il passe un terrible savon à son fils, encore plus crapuleux que lui : « Quand je te vois, je me dégoûte ! » Rien que pour ces quelques mots et la manière dont ils sont déclamés, un autre César se serait imposé.

Dans cette cinématographie hors du commun, on relèvera cette étonnante bizarrerie, jamais diffusée sur petit écran ou éditée en DVD : Kamikaze, de Didier Grousset, produit par Luc Besson en 1986. Pour une fois, il y a le premier rôle, incarnant un savant misanthrope ayant inventé un canon électronique lui permettant de tuer à distance, confortablement installé devant son téléviseur, les présentateurs dont la tête ne lui revient pas. Par les temps qui courent, heureusement que les brevets de cette étrange machine n’ont pas été déposés, car il y aurait peut-être du carnage dans l’air…

Cher Michel Galabru, garde-à-vous ! Repos… Repos éternel, il va sans dire. Et encore merci pour tout ce que vous fîtes, et surtout pour tout ce que vous fûtes. Sincèrement.

Nicolas Gauthier
Journaliste, écrivain
source Boulevard Voltaire

nc

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