La vie semble avoir déserté la ville. Ce soir du 14 novembre, une lourde atmosphère pèse étrangement sur la Capitale comme si des âmes erraient en peine et en nombre sur les vivants, comme si elles attendaient un nouveau cortège de malheureux qui s’accrochent désespérément au dernier fil de l’existence qui les éloigne de la mort.
L’espoir nous fait mentir et nous rend aveugle face à la lumière. Les mots n’ont plus de sens tant ils sont déconnectés de la réalité, ils ont un caractère « impitoyable ».
La « guerre » est entrée dans Paris a -t- on déclaré !
Mais la guerre a ses propres règles à commencer par celle qui permet et autorise tout. Tant les conflits ont sombré depuis plus d’un siècle dans un monde d’horreur et de violence.Alors, pourquoi utiliser ce mot dans le discours officiel alors que nous ne pouvons pas moralement, juridiquement et matériellement tout nous permettre ?
Parler de « guerre » est une erreur, c’est « légitimer » ces actes terroristes dans un rapport asymétrique entre Daesh, un État virtuel ou une organisation, et la France, un État réel. C’est reconnaître que l’on puisse nous faire la guerre sans que nous puissions réellement la déclarer en représailles.
La guerre, nous la faisons déjà en Syrie et en Irak. Rien de nouveau.
Ce que la France vient de subir c’est un acte de terrorisme qui n’a rien à voir avec la guerre. Une guerre peut être gagnée, elle ne mettra pas forcément fin au terrorisme, malheureusement.
La guerre est une affaire de professionnels, n’en déplaise à Clémenceau, qui doit être confiée aux militaires. Est ce le secret désir de notre Premier ministre pour assurer notre sécurité intérieure ?
Le pays en a-t-il véritablement les moyens ? Certainement pas ! Ce que nous affrontons aujourd’hui, c’est un terrorisme d’un type nouveau et d’une ampleur inégalée.
Il ne s’agit pas de combattre quelques illuminés anarchistes ou d’extrême gauche comme dans les années 70 et 80, qui eux aussi se formaient à l’étranger mais s’attaquaient à des hommes ou des symboles du capitalisme.
Il s’agit d’individus qui sont prêts à tout, à commencer par mourir, ce qui n’est pas un acte anodin, en massacrant leurs prochains, ceux avec qui ils ont vécus, dans leur ville, dans leurs cités, leurs propres frères et sœurs.
Il s’agit d’individus en rupture avec leur société et une République qui n’a pas su les garder en son sein en partageant des valeurs communes et en leur promettant un avenir raisonnable.
S’il s’agit d’une « guerre », c’est d’une guerre contre nous même qu’il convient de mener. Combattre les effets d’un phénomène n’a jamais supprimé ses causes. Il faut donc redonner l’espoir à cette jeunesse égarée et sans doute abandonnée qui se résout à détruire ce qu’elle devrait aimer et servir des intérêts qui nous sont étrangers.
Comment des actes aussi horribles ont ils pu être perpétrés ce 13 novembre 2015 ?
Si nous n’avons pas pu les prévenir, qu’en sera -t-il demain ? Des mots, toujours des mots ! L’État sera « impitoyable », certes, mais sera-t-il efficace ?
Nos services de renseignement extérieurs et intérieurs n’ont rien vu venir alors que des moyens considérables ont été mis à leur disposition.
Notre logiciel de prévention et d’information n’est manifestement toujours pas adapté… C’est sans doute sur ce terrain que le gouvernement devrait s’investir car la sécurité de nos concitoyens en dépend.
Erick ORBLIN
Haut fonctionnaire territorial, Auditeur INHESJ.