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Gérard de Villiers n’est plus : SAS désormais orphelin…

« SAS est mort.

Il aimait l’aventure, la bourlingue et les femmes…
Il exécrait les communistes, les islamistes et le communautarisme…

Il a vendu plus de 100 millions de livres à travers le monde et publié 200 titres, écoulés chacun entre 100 à 150 000 exemplaires…

Il a eu les honneurs recherchés du New York Times…

C’était Son Altesse Sérénissime Gérard de Villiers.

Le Prince Malko est mort le 31 octobre 2013.

Arnaud Robert.


 

 


SAS ? RIP… Gérard de Villiers, « l’homme le mieux renseigné de la planète », à en croire le prestigieux New York Times, nous a quittés. Discrètement : un avocat de ses amis était chargé d’annoncer sur Twitter cette fin qu’il savait proche. Et en beauté : quelques semaines après la deux-centième aventure du prince Malko Linge, La Vengeance du Kremlin.

Ce SAS désormais posthume n’était pas exactement comme les précédents, relevant plus du bilan géopolitique que des pérégrinations trépidantes auxquelles il nous avait habitués depuis près d’un demi-siècle. Ainsi, l’anticommuniste de toujours – il avait démarré sa carrière à Rivarol – n’y cachait pas sa fascination pour la politique de Vladimir Poutine, l’homme qui a reconstruit une Russie en ruines sur « la patrie, la religion et l’État », et dont le premier geste fut, lorsqu’il s’installa dans son bureau du Kremlin, d’y accrocher un portrait en pied du tsar Pierre le Grand.

Paradoxe, pour cet homme qui, durant la guerre froide, professait un atlantisme de stricte observance, en une époque où l’air du temps était à d’autres élégances ? Malentendu, plutôt.

En effet, il tenait son avatar de papier pour « samouraï européen » et se désespérait que notre Vieux Continent se laisse aller, sous prétexte d’oncle Joe, à tomber dans les bras de l’oncle Sam. Anticommuniste certes, anti-américain à l’évidence, l’homme, que j’ai eu le privilège d’interviewer à de nombreuses reprises depuis 1990, était avant tout un Européen à l’ancienne, plus porté sur Ernst Jünger que Jean Monnet.

« Homme le mieux renseigné de la planète », écrivait le New York Times ? C’était déjà dans Minute, plus de vingt ans auparavant. Mais qui tenait cet hebdomadaire en considération ? Et surtout, qui prenait alors Gérard de Villiers au sérieux ? Quand je lui demandais si un tel mépris médiatique le blessait, il balayait la question d’un revers de main en lâchant, de sa voix légèrement aiguë, un truc qui ressemblait à un « rien à foutre de tous ces cons »… C’était dans l’immense bureau, sis au premier étage de son hôtel particulier de l’avenue Foch.

La décoration était – comment dire – déconcertante. Une statue grandeur nature d’une femme nue, accroupie, le chargeur d’un fusil-mitrailleur Schmeisser enfoncé dans l’entrejambe. Alors qu’il voyait mes yeux quelque peu interloqués par la chose, il me lança, narquois : « Belle arme, n’est-ce pas ? La meilleure dont la Wehrmacht ait bénéficié sur le front de l’Est. Après avoir tué tant de communistes, autant qu’elle fasse le bonheur d’une dame, fût-elle de bronze… »

Tout un écrivain résumé en une seule saillie, verbale il va de soi… Lequel, provocateur, était furieusement misanthrope, surtout. Le titre de ses mémoires, Sabre au clair et pied au plancher (Fayard), était, à ce titre, singulièrement éloquent. Oui, Gérard de Villiers n’avait que peu d’appétence pour ses concitoyens, leur préférant de loin ses chats, dont les cendres, religieusement conservées dans une dizaine d’urnes funéraires, ornaient l’étagère surplombant la statue à l’instant évoquée. À défaut de croire en Dieu, il lâchait, sarcastique : « J’espère au moins qu’Il croit en moi… »

Cette misanthropie revendiquée était la meilleure garante de son objectivité : quand on n’aime personne, il n’y a que peu de place pour le favoritisme… Au Proche et Moyen-Orient, région du monde où SAS avait pour habitude de faire couler le sang des hommes et les larmes des femmes, seuls les Libanais trouvaient grâce à ses yeux. Pourquoi ? « Parce qu’ils vivent sur un volcan en pleine éruption et qu’ils continuent à vivre debout le jour tout en faisant la fête la nuit ! » Pour qui connaît un peu le pays du Cèdre, on a déjà entendu plus sot.

Bref, chapeau bas devant un homme qui aura réussi la si difficile martingale de tout écrivain : mettre de la vie dans son art et de l’art dans sa vie, tel que le préconisait Louis Jouvet à ses élèves du conservatoire, dans Entrée des artistes, de Marc Allégret. Là, c’est désormais la sortie de l’artiste ; artiste dont l’œuvre, à tout jamais, se sera confondue avec sa vie.

On en connaît, des plumaillons germanopratins, qui devraient en prendre de la graine.


Nicolas
Gauthier
Journaliste, écrivain.
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique.
29 € À commander en ligne sur francephi.com.

Photos Jérôme Sessini

merci à Arnaud Robert ainsi qu’a Nicolas Gauthier

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