Durant cet été, infos75 veut mettre à l’honneur des livres qui, nous semble-t-il, sont remarquables pour le constat qu’ils dressent ou les questions qu’ils posent. Des livres dont nous vous avons déjà parlé, pour la plupart.
Nous vous proposerons donc, chaque semaine, du lundi au vendredi, des extraits d’un de ces ouvrages. Et pour commencer ce voyage dans les meilleurs des essais de ces derniers mois, des morceaux choisis du livre de Xavier Bébin « Quand la justice crée l’insécurité » (Fayard).
C’était en pleine campagne présidentielle. L’affaire, si elle avait été rendue publique, aurait provoqué un scandale retentissant. Un criminel en fuite, nommé Philippe Tolila, avait été arrêté par la police.
L’homme est un violeur en série, actif depuis l’âge de 14 ans et condamné à de nombreuses reprises. Dans les années 1980, il était allé jusqu’à commettre 11 viols en moins de trois ans, sur la Côte d’Azur, à Biarritz et en région parisienne. Son mode opératoire était bien rodé. Chaque fois, il escaladait le balcon de ses victimes inconnues, s’introduisait dans leur domicile et les violait sous la menace d’une arme à feu ou d’un couteau. Pour ces crimes, commis en récidive, il avait été condamné à la perpétuité en 1990.
Très vite, pourtant, la justice a envisagé de lui accorder une libération conditionnelle. De 2001 à 2010, Philippe Tolila a ainsi fait l’objet de six expertises psychiatriques. Toutes, sans exception, étaient très pessimistes quant à son risque de récidive. Toutes relevaient une personnalité de type « pervers », voire « sadique ».
Mais voilà qu’en 2011, une nouvelle expertise s’est révélée un peu plus optimiste. Résultat : la justice, contre toute prudence, a autorisé sa remise en liberté. Et quatre mois plus tard, Philippe Tolila a de nouveau été arrêté et incarcéré pour viol sous la menace d’un couteau. Cette fois, il n’a même pas eu besoin d’escalader un balcon. Car la victime, une femme vulnérable, résidait dans le foyer dans lequel Philippe Tolila avait été placé. La justice avait sciemment fait entrer le loup dans la bergerie.
Cette affaire a beau ne jamais être parue dans la presse, elle semble familière. Tout le monde a en tête le nom de criminels – Pierre Bodein, Francis Evrard, Guy Georges, Tony Meilhon – qui ont pu récidiver grâce aux failles de notre justice.
Mais l’on imagine trop souvent que ces affaires dramatiques sont des « dysfonctionnements » malheureux ou des défaillances ponctuelles. Personne, ou presque, ne réalise qu’elles sont en réalité le produit du fonctionnement habituel d’un système judiciaire qui a perdu de vue sa mission de protection des citoyens. Au point que notre justice pénale a aujourd’hui une lourde responsabilité dans la montée des violences et de l’insécurité.
source-Boulevard Voltaire