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Lire:Weidman, le tueur aux yeux de velours de Philippe Randa

La toute jeune maison d’édition French Pulp vient de rééditer Weidmann, le tueur aux yeux de velours de Philippe Randa. Dans le style vif, alerte et direct qu’on lui connaît, l’auteur, avec la distance sereine de l’entomologiste néanmoins passionné, retrace l’itinéraire d’un homme désabusé à la trajectoire aussi violente que moderne.

Le nom d’Eugen Weidmann, né le 5 février 1908 à Francfort-sur-le-Main, pour être décapité à Versailles en place publique, le 17 juin 1939, restera gravé dans les annales judiciaires : l’homme avait, en effet, perpétré l’assassinat de six personnes avec un sang-froid déconcertant. D’ailleurs, à la question de savoir s’il a éprouvé quelques remords, celui-ci semblera surpris et lancera cette réponse désarmante : « Pourquoi ? Je ne connaissais pas ces gens. »

Mais qui est donc, au juste, Eugen Weidmann ? Quand le juge Jean-Georges Berry l’interroge, le sonde pour connaître ses motivations profondes, il reconnaît volontiers ses crimes, ne cherche ni à les cacher, ni à les travestir ou à les minimiser. Le gentleman aryen, le « dandy allemand », le « tueur au regard de velours » au charme duquel chacun succombe est-il une crapule ? Toujours est-il qu’il ne laisse personne indifférent, pas même l’écrivain Colette qui, tandis qu’elle couvrait le procès du tueur pour Paris-Soir, se pâmait en ces termes : « Il semble que naisse un homme. »

La piste de l’espion nazi envoyé pour déstabiliser la France, ou tenter d’infiltrer les réseaux d’émigrés allemands, est rapidement écartée par la justice, quand bien même les géniteurs de l’assassin avaient adhéré, en 1931, au NSDAP.

Nonobstant, Weidmann fait le désespoir de ces derniers, honnêtes commerçants qui l’envoient, via l’Office catholique d’émigration, dans la province canadienne du Saskatchewan, pour y battre le blé. Ses vieux démons le reprennent et il est expulsé vers l’Europe. Il se mue, alors, en petite frappe, vivant de menus larcins, de cambriolages et de divers petits délits qui lui valent d’être sévèrement condamné. En prison, il rencontre ses futurs complices, des Français qu’il retrouvera, sitôt élargi, en région parisienne. Nous sommes en 1937. Hitler est le Führer d’une Allemagne revancharde, qui est en cours de remilitarisation.

Loin des préoccupations d’Eugen Weidmann qui, pendant ce temps, de l’autre côté du Rhin, va entamer une nouvelle carrière qui le conduira sur l’échafaud.

De juillet à novembre 1937, il étranglera une danseuse américaine et abattra cinq innocents d’une balle dans la nuque. Le mobile de ces crimes ? L’on n’en saura pratiquement rien, le meurtrier n’ayant jamais délesté ses malheureuses victimes que de sommes d’argent dérisoires. En revanche, l’on ne peut qu’être frappé par la personnalité d’un tueur en série hors normes, aussi froid que peu méthodique, auquel l’existence n’aura guère offert d’extravagantes jouissances, notamment celles qu’éprouverait tout psychopathe sadique devant son œuvre macabre. Banalité du mal ou crime considéré comme un des beaux-arts ?Ineffable mystère que les arcanes procédurières d’un procès pénal peineront à percer au jour. Colette disait encore :« Nous ne comprenons pas grand-chose à ces gens-là. Ils sont trop simples pour nous. Écoutez-les, quand ils viennent de tuer… » Écoutons aussi les murmures de cette foule grosse et extatique venue assister aux noces rouges du « monstre ». La « veuve » (nom donné à la guillotine) sembla presque se dérober à cette étreinte sanglante. On parla, hâtivement, de « boucherie ». Dorénavant, sauf exception en août-septembre 1944, durant l’Épuration, les exécutions auront lieu à l’intérieur des établissements pénitentiaires.

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Aristide Leucate
Docteur en droit, journaliste et essayiste
source Boulevard Voltaire

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