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Lire: FÉLICIEN MARCEAU – QUI SUIS-JE ? de Francis BERGERON

 
Le mystère Marceau et le mensonge du monde

L’œuvre de l’académicien Félicien Marceau, notamment théâtrale, est connue et très appréciée. Que l’on songe par exemple à L’Oeuf, aux Cailloux ou bien encore à L’Homme en question. Dramaturge, Marceau est également l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles, d’essais et, surtout, d’une quinzaine de romans, certains portés à l’écran, récompensés par de multiples prix littéraires, dont le Goncourt 1969, pour le titre Creezy, un énorme succès. Six ans plus tard, c’est la consécration, avec l’élection (au premier tour) à l’Académie Française.

Si l’œuvre de Félicien Marceau a pour fil conducteur de réfléchir, souvent cruellement, les (nombreux) travers de l’époque moderne, révélant ainsi une part sensible de l’écrivain, admiré et reconnu, on connait beaucoup moins bien l’homme… un certain Louis Carette, né belge, avant de prendre la nationalité française, en 1959. C’est tout l’intérêt de la biographie que lui consacre Francis Bergeron : lever une partie du voile enveloppant le grand écrivain.

Il y a en effet une sorte de césure dans la vie de Louis Carette et elle date de 1946. Cette année-là, le conseil de guerre de Bruxelles le condamne par contumace à quinze ans de travaux forcés et à la déchéance de la nationalité belge, lui reprochant cinq émissions de radio (sur plus de 300 reportages) en 1940 et 1941. A la lecture du dossier, on comprend aisément que les faits retenus sont assez dérisoires et surtout sans rapport avec des chefs d’accusation délirants.

Malgré une complète réhabilitation et l’octroi de la nationalité française, sur décision personnelle du général de Gaulle, Félicien Marceau portera tout au long de sa vie ce malentendu, que les bonnes âmes, souvent les mêmes dénonçant les « amalgames » charriés par notre riante époque, s’empresseront d’alimenter régulièrement, y compris lorsque le philosophe Alain Finkielkraut sera élu à son siège ! Pensez donc, un écrivain de talent, ami du réactionnaire Michel Déon et proche des Hussards…

Cette douloureuse affaire éclaire cependant la substance de l’œuvre de Félicien Marceau : le mensonge du monde, le jugement unilatéral de la société face à l’homme sans défense, dépourvu de toute illusion.

S’appuyant sur des archives de Félicien Marceau demeurées inédites, Francis Bergeron brosse un extraordinaire portrait d’un écrivain de grand talent, unique et révolté.

Une biographie fouillée et totalement novatrice.

Arnaud Robert.

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