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Lire: Darnand (Qui suis-je?) de Francis Bergeron

La légende noire d’un magnifique soldat

La figure de Joseph Darnand demeure attachée à l’opprobre de la Collaboration, selon la distinction manichéenne d’une âme humaine
nécessairement angélique, sinon démoniaque. La vie de Darnand, narrée avec une grande rigueur intellectuelle par Francis Bergeron, démontre pourtant la complexité du cheminement humain, surtout lorsque le destin personnel croise une époque historique tourmentée, aux repères brouillés, comme celle du second conflit mondial.

Joseph Darnand est né en 1897, dans une petite commune de l’Ain, au sein d’une famille modeste, patriote et catholique. Apprenti ébéniste, Darnand a 17 ans en 1914 ; il ne peut rejoindre l’infanterie qu’en 1916, où son courage tranquille impressionne. Nommé caporal en 1917, puis sergent deux mois plus tard, Joseph Darnand collectionne les distinctions : la croix de guerre et de multiples citations. C’est un fait d’armes incroyable, le 14 juillet 1918, qui va forger sa réputation légendaire : son groupe parvient à pénétrer la zone allemande sur 500 mètres et s’empare de vingt-trois soldats ennemis et de documents d’un intérêt particulièrement exceptionnel ! Darnand est qualifié d’«artisan de la Victoire » en 1927, par Raymond Poincaré, président du Conseil. Outre Darnand, seuls Clemenceau et Foch bénéficient de cette qualification !

Après la guerre, Joseph Darnand se marie et exerce plusieurs métiers : chef d’équipe chez un menuisier, chef d’équipe de bûcherons,  puis responsable d’une succursale d’un fabriquant de meubles.  C’est à cette époque, en 1923,  qu’il rejoint l’Action française, avec son culte de la patrie et de l’armée. En 1934, il emprunte de l’argent pour racheter une petite entreprise de déménagement niçoise, qui compte jusqu’à quinze employés. Darnand développe, avec ses amis, l’AF de Nice, mais le mouvement ne répond plus à ses aspirations d’un parti fort, intransigeant et populaire. Les tragiques événements du 6 février 1934, où trente-sep militants nationalistes sont tués, vont naturellement conduire Darnand et nombre de Camelots du roi à frayer avec la « Cagoule », l’Organisation secrète d’action révolutionnaire nationale (OSARN), nébuleuse activiste, laquelle permet de nouer ou de conforter de solides amitiés.

La guerre éclate et Darnand intègre un corps franc, c’est-à-dire une unité d’élite où, une fois encore, il se distingue en allant rechercher le corps de son meilleur ami aux mains de l’ennemi, action qui lui vaudra la célèbre une de Match, en 1940. Il est décoré de la croix d’officier de la Légion d’honneur par le général Georges, numéro deux de l’armée française.

Après la défaite de septembre 1940, Joseph Darnand entend rassembler les Français derrière le maréchal Pétain, héros de Verdun, et rejoint le mouvement unifié d’anciens combattants, la Légion française des combattants (que les Allemands interdisent en zone nord). Mais au sein de la LFC, émerge une structure plus politique et militante, sorte de bras armé, le Service d’ordre légionnaire (SOL) qui naît en janvier 1942. L’encadrement du SOL est composé de la garde rapprochée de Darnand, mais la mission du mouvement n’est pas clairement définie. De 1941 à l’été 1943, Darnand, qui a de multiples amis au sein de la Résistance (Pierre de Bénouville, le colonel Groussard, etc.), hésite sur la façon la plus appropriée de servir la France.

La Milice est créée en janvier 1943, concrétisation de l’autonomie du SOL. Elle se trouve au carrefour du politique, du policier et du militaire et est placée sous la présidence de Pierre Laval, avec pour secrétaire général Joseph Darnand. Elle rassemble 30 000 membres entendant soutenir le gouvernement du maréchal Pétain et participer au redressement du pays. Mais dès avril 1943, les évènements se précipitent, avec les assassinats de miliciens, scellant le sort de l’organisation (actions contre-terroristes), sa dérive vers la collaboration, jusqu’au grand déraillement, à partir de janvier 1944 : assassinats des époux Basch, de Jean Zay, du milicien Philippe Henriot, de Georges Mandel…

Joseph Darnand est arrêté en mars 1945 par les Services spéciaux anglais, son procès a lieu en octobre 1945 et, après 35 minutes de délibération, il est fusillé au fort de Châtillon le 10 octobre 1945.

L’ouvrage de Francis Bergeron, s’appuyant sur les meilleures sources documentaires et historiques, offre un portrait fiable, juste et ciselé du soldat Joseph Darnand, méprisant le danger comme il aimait la France, sa gloire et sa grandeur. Après la Libération, Georges Bernanos dira : « s’il y avait eu plus de Darnand en 1940, il n’y aurait pas eu de miliciens en 1944 ».

Un livre de référence, loin des poncifs partisans et des approximations partiales!

Arnaud Robert. 

ar@infos75.com

DARNAND
Francis Bergeron
14×21, 128 p., illustré, 12 €
ISBN 978-2-86714-509-4
5 étoiles sur 5

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image à la une //Joseph Darnand en couverture de Match en avril 1940, et dans le box des accusés avant sa condamnation à mort en octobre 1945

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