Divers

Delanoë flambe 236 millions pour un toit….

Alors que la France est noyée sous les dettes, le maire de Paris va débourser une fortune pour édifier cette «Canopée» au-dessus du Forum des Halles.

Faisons taire tout de suite les critiques : le futur toit du Forum des Halles, dont la construction a commencé il y a quelques semaines, ne sera pas une vulgaire plate-forme en tôle ondulée. Comme vous pouvez le constater sur cette image, la «Canopée» sera une œuvre architecturale de premier plan, comparable, en termes de rayonnement culturel, au dôme du Taj Mahal et à la tour Eiffel.

C’est du moins ce qu’espèrent ses promoteurs. Bertrand Delanoë la décrit comme «une immense feuille translucide ondoyant à la hauteur de la cime des arbres», le dossier de presse de la mairie de Paris évoque une «peau de verre qui laissera passer la lumière», et son concepteur, l’architecte Patrick Berger, assure que sa chose «mettra en résonance l’énergie naturelle et l’énergie urbaine». Le cœur des Parisiens en frissonne déjà.

L’ennui, c’est que leur portefeuille aussi. Aux dernières nouvelles, cette «feuille ondoyante» de 144 mètres sur 144 devrait coûter 236 millions d’euros aux contribuables de la capitale, l’équivalent du prix de 11 collèges flambant neufs ou, si l’on préfère, de 1 600 logements sociaux tout équipés. Même en défalquant la poignée de millions (une dizaine) consacrés à l’édification des quelques commerces et équipements publics attenants, cela fait lourd pour un toit.

Et la facture risque d’enfler encore, car la pose de cette couverture géante au-dessus d’un espace où transitent chaque jour 800 000 personnes s’avère bien plus complexe que prévu. Le mode de construction imaginé au départ – pour ne pas gêner les boutiquiers, l’ouvrage devait être assemblé à terre dans le jardin d’à côté, puis mis en place d’un seul bloc avec des vérins – a en effet été abandonné au profit d’une méthode classique ; la structure a dû être rehaussée de 2,5 mètres pour des raisons techniques ; et l’on a découvert tar­divement que les piliers sur lesquels elle était censée reposer n’étaient pas assez solides.

Résultat : avant même de mettre la main au ciment, le groupe Vinci, désigné cet automne pour effectuer les travaux, a obtenu une rallonge de 40 millions d’euros (3 écoles communales) sur le budget initial. Et l’architecte a exigé un supplément d’honoraires de 28,8% (5,5 millions d’euros, 2 grandes crèches), au demeurant tout à fait illégal. Il est vrai que cet homme de l’art n’a pas hésité à flamber 1 million (10 000 Vélib’) pour la réalisation d’une maquette de travail à Vaires-sur-Marne (77).

«Elle a été détruite au bout de quelques semaines sans que personne n’ait été autorisé à la voir», peste Elisabeth Bourguinat, pasionaria de l’association Accomplir, qui ferraille depuis des mois contre le projet. Pour couronner le tout, les coûts d’expropriation et de dédommagement des commerçants gênés par les travaux menacent de crever le plafond. La mairie y a déjà consacré 5 millions d’euros (2 bibliothèques), et elle confesse qu’il lui faudra débourser bien plus. Avant d’être un toit, la Canopée est un gouffre.

Mais au fait, à quoi sert-elle ? Eh bien, pour dire la vérité, pas à grand-chose. D’abord parce que le patio du Forum des Halles a toujours été à l’air libre, et qu’il n’y avait aucune raison objective de le recouvrir. «Pas plus que l’avenue des Champs-Elysées ou le parvis de Notre-Dame», soupire Jacques Boutaud, le maire vert du IIe arrondissement voisin. Et puis parce que cette étrange toiture ne couvrira de toute façon pas grand-chose. Elle partage en effet avec les vieilles cases du Club Med la particularité de ne pas protéger de la pluie.

Afin que les fumées puissent s’évacuer en cas d’incendie, les services de sécurité ont exigé que la moitié de sa surface soit ouverte à tous vents. L’architecte a donc imaginé un système de lamelles inclinées à 50 degrés, joliment baptisées «ventelles». «La bonne nouvelle, c’est qu’on pourra voir le ciel de dessous», ironise Serge Federbusch, animateur du site Delanopolis et violent adversaire du ­projet Berger. La mauvaise, c’est que s’il pleut par grand vent, il faudra y circuler avec un parapluie. En cas de neige, ce sera plus tordant encore, des plaques entières dégringoleront sur la tête des badauds, on pourra faire des bonhommes.

Mais la mairie de Paris n’a que faire de ces considérations matérielles. «La Canopée est un geste architectural, elle va rendre son lustre au cœur de Paris», s’enflamme Dominique Hucher, le patron du projet à la société d’économie mixte SemPariSeine.

Pour des raisons mal élucidées, les édiles parisiens se sont en effet mis dans la tête que le Forum des Halles, édifié dans les années 1970, était une grosse verrue, et qu’il convenait de le rayer à tout prix (au sens propre) de la carte. Les pavillons Willerval qui entouraient l’esplanade ont été décrétés «horribles» et démolis à coups de masse, les statues de marbre démontées, l’amphithéâtre René-Cassin bulldozerisé contre l’avis des associations. Quant au jardin, plébiscité par 82% des riverains, il n’est plus qu’un bon souvenir. Ses 340 arbres ont été débités à la tronçonneuse et 85 millions d’euros (42 rames de tramway) engagés pour créer un nouvel espace vert. La Canopée n’est que la partie émergée d’un immense gaspillage à 1 milliard d’euros.

Passe encore si les finances de la capitale étaient vaillantes. Mais en dix ans de gestion hasardeuse, et en dépit d’une hausse des impôts de 35%, le maire a multiplié la dette par près de trois. Et il a fait voter cette année 609 millions d’euros de nouvelles autorisations d’emprunts. Pas de doute, à l’heure où la France se débat dans les déficits et où les agences de notation surveillent notre endettement avec un pistolet dans chaque main, Bertrand Delanoë a décidé de faire de la résistance. Quel panache !

 source /Philippe Eliakim Capital.fr

Pour ce prix, Paris aurait pu s’offrir au choix…

– 115 crèches de 40 berceaux
– 23 gymnases multisports
– 16 écoles communales
– 11 collèges publics
– 1 600 logements sociaux

2,7 milliards d’euros : C’était l’encours total de la dette de la ville de Paris à la fin 2010, le dernier chiffre officiel connu. Lorsque Delanoë est arrivé au pouvoir en 2001, elle ne dépassait pas 1 milliard.

Comment Bertrand Delanoë a bradé le Forum à un groupe privé

Pourquoi ? Pourquoi le maire de Paris a-t-il accepté de vendre le Forum des Halles au groupe de promotion privé Unibail-Rodamco ? Deux ans après la transaction, la question taraude toujours la scène politique parisienne. Car Bertrand Delanoë n’a vraiment pas fait une bonne affaire. Pour mener à bien son projet de reconstruction grandiose, auquel il tenait par-dessus tout, il avait besoin de l’accord d’Unibail. La société détient en effet un bail à construction jusqu’en 2055 sur le Forum, qui lui permet d’en exploiter les commerces. «L’exproprier aurait coûté 2 milliards», précise l’hôtel de ville. Le maire a préféré négocier avec elle la cession à prix d’ami de la pleine propriété du site, entièrement reconstruit avec l’argent des Parisiens. Officiellement, Unibail l’a payé 258 millions. Mais comme la ville lui en a rétrocédé 76, pour le rachat du bail, elle n’en a déboursé que 182, pas même le cinquième de sa valeur réelle.

Laisser un commentaire