Gare de Lyon, histoire et trésors artistiques.
Il y a de ces endroits que l’on voit sans les regarder, que l’on utilise sans se poser de questions, mais qui ont pourtant tant de choses à nous faire découvrir ! Je vois beaucoup de gens qui remplissent les musées, qui s’extasient devant des objets d’Art, mais qui ignorent totalement l’Art qui est juste sous leur nez. Je me demande encore pourquoi c’est comme ça ! La Gare de Lyon, puisque c’est de cet endroit si spécial dont je vous parle, est un édifice surprenant à bien des égards, avec un patrimoine artistique et architectural qui mérite clairement le détour, à tel point que je vous propose de découvrir sur Infos75 non pas un article sur la gare, mais une série d’articles.
Photos Paris Gare de Lyon
Histoire de la Gare de Lyon
Au tout début de la Gare de Lyon, il y avait une compagnie, la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, la PLM. C’est dans les années 1840 que des études sur le chemin de fer reliant Paris au sud est de la France sont réalisées. Plusieurs entreprises seront concessionnaires des voies, mais un mouvement de concentration va avoir lieu, pour déboucher sur la PLM, fondée en 1857. L’embarcadère de Lyon, ou « Embarcadère de chemin de fer de Paris à Montereau », ancêtre de notre Gare de Lyon, voit ainsi le jour en 1849, un simple bâtiment de bois d’une de ces entreprises concessionnaires d’un morceau du chemin de fer allant de Paris à Marseille. Avec l’augmentation du trafic et la montée en puissance de la PLM, une nouvelle Gare de Lyon fut rapidement construite en 1855 pour remplacer l’ancien embarcadère, décidément inadaptée pour le trafic ferroviaire. Cette gare aura connu quelques péripéties, notamment la commune de Paris en 1871, où elle fut détruite par un incendie, comme l’Hôtel de Ville Elle sera reconstruite à l’identique. Cette gare avait la particularité d’être située juste à coté de la prison de Mazas, que l’on démolit pour l’expo de 1900…
L’exposition de 1900 et la nouvelle Gare de Lyon
Paris est une ville sublime, on le sait, et elle le doit beaucoup aux expositions universelles qui s’y déroulèrent à plusieurs reprises. En 1900, Paris allait encore accueillir une exposition, pour la 5ème fois. De nombreux édifices furent construits, pour le plus grand bonheur des 50 millions de visiteurs et des habitants de la capitale. La nouvelle Gare de Lyon fut l’un de ces édifices, pour une exposition inscrite dans l’air de son temps, connue pour la postérité comme étant la Belle Époque. La Gare de Lyon est un ouvrage évidemment avant tout utilitaire, destiné à servir les millions de visiteurs de l’exposition universelle de 1900, ce que l’ancienne gare ne pouvait pas faire, avec ses « seulement » 5 voies. Deux autres gares furent construites à ce moment, la Gare d’Orsay, aujourd’hui un célèbre musée, et la Gare des Invalides. Notons également d’autres réalisations pour cette exposition comme l’inauguration du Grand Palais et du Petit Palais, ainsi que du Pont Alexandre III ou du métro, qui passait par la gare !
La Gare de Lyon de l’exposition de 1900 a désormais 13 voies. 7 années de construction furent nécessaires, les travaux ayant débuté en 1895, et ne furent totalement terminés qu’en 1902. Les meilleurs artistes de la Belle Epoque furent appelés pour embellir la Gare avec leurs sculptures, sous la direction de l’architecte toulonnais Marius Toudoire. La nouvelle Gare est belle et très fonctionnelle, à un tel point qu’elle ne fut que très peu modifiée jusque dans les années 1960, avec la construction du RER A. Pour accueillir le RER, il fut alors nécessaire de démolir la façade coté rue de Bercy et la Halle Bercy. En 1977, la Gare de Bercy, la gare « sœur » de la Gare de Lyon est inaugurée. D’autres travaux ont lieu depuis 2010, visant à terme une amélioration notable de la capacité de trafic de la Gare de Lyon, la gare la plus rentable de la SNCF, principalement destinée, depuis toujours, aux lignes particulièrement rentables allant vers Lyon, Marseille et la Côte d’Azur. C’est à cette période que la grande salle sous la gare, reliant le métro aux différents quais est construite, la Salle Méditerranée. Le trafic actuel est colossal : nous parlons ici de 90 millions de passagers par an, soit 250000 passagers par jour, la première gare de la SNCF en termes de trafic Grandes Lignes avec 30 millions de passagers du TGV en 2008.
Gare de Lyon : ce qu’il faut voir
Quelques subtilités à savoir dans ce coin de Paris et du 12e arrondissement au sujet du nommage des rues : le grand boulevard qui passe devant, c’est le Boulevard Diderot, mais la « rue » qui passe devant la gare est la Rue Van Gogh. Entre la rue et le boulevard, nous avons la Place Louis Armand, l’endroit en général où on attend son train quand on veut être tranquillement à l’air libre et admirer encore un peu ce beau quartier de la capitale. Enfin « beau », c’est récent, ce quartier était encore connu il n’y a pas si longtemps pour être un quartier « populaire », désormais devenu bourgeois voir Bobo.
Le Beffroi de la Gare de Lyon
C’est la star incontestée de la gare. Impossible de la manquer tant elle est belle et imposante bien sûr, la façade et sa Tour de l’Horloge, ou le Beffroi. Haute de 67m, il est impossible de la manquer, pour peu qu’on ne vienne pas en métro, auquel cas on débarque directement sur les quais de la gare sans passer par « l’entrée principale ». Cette tour est un point de repère à Paris, et la Gare de Lyon, à la rencontre de plusieurs lignes de métro ou de bus, un passage essentiel : d’ici, on a accès au reste de la ville ou de la France. L’horloge est à l’heure, et est visible de partout, grâce à ses quatre cadrans gigantesques, de 6m de diamètre.
Les statues et la façade de la Gare de Lyon
S’attarder sur cette façade pour y admirer des statues qui auraient parfaitement pu figurer au Musée d’Orsay est un conseil que je vous donne, si vous aimez les belles choses. Cet Art, académique, a totalement été dévalorisé par « l’élite » bourgeoise, au profit d’un Art que je qualifierai de plus « militant ». Je n’ai rien contre l’Art moderne, à part le fait qu’il soit surfait, surcoté au détriment de ces nobles statues, reléguées a du simple « utilitaire », à coté des WC de la gare ou du bar. J’ai eu du mal à trouver les auteurs de ces statues, et encore plus de mal à trouver un peu d’informations les concernant.
Facilement identifiables, les blasons des grandes villes desservies par l’ancienne PLM, intégrée à la SNCF en 1938. Le travail est remarquable de beauté. On pourra voir sur le blason de la Ville de Paris l’ancienne façon de représenter le bateau, à trois voiles au lieu d’une seule comme actuellement.
Surplombant la façade, deux ensembles de statues. Les statues de gauche représentent Paris, sculptées par Louis-Charles Beylard (né en 1843 à Bordeaux). Les statues de droite représentent Marseille, sculptées cette fois par Emile Peynot (né en 1850 à Villeneuve-sur-Yonne). Ces deux ensembles de statues sont classiques de ce qu’on pouvoir voir à l’époque, un peu comme ce qu’on trouve sur la place de la Concorde par exemple.
Mes statues préférées sont les quatre bas-reliefs allégoriques du premier étage de la façade. Chaque statue symbolise la modernité et le progrès des moyens de transports. Ces filles dénudées représentent donc la Mécanique (Louis Baralis), la Navigation, la Vapeur (Félix Charpentier) et électricité (Paul Gasq, fils d’employé du chemin de fer !). Toutes ces sculptures sont réalisées par les meilleurs sculpteurs reconnus de leur temps, aujourd’hui de parfaits inconnus ou presque. C’est franchement dommage, vous ne trouvez pas ? Ce sont eux qui ont embelli notre ville au quotidien ! Ce sont eux que l’on n’appelle plus pour les ouvrages modernes, devenus de sordides édifices en béton lisses, dépouillés de toute décoration, soit disant parce que les goûts ont évolué, en vrai parce que c’est beaucoup moins cher… Au moment où je vous écris, mai 2011, une grande « sculpture » moderne d’Anish Kapoor est exposée au Grand Palais, le Léviathan, une sculpture vide gigantesque, représentant « l’utérus d’un monstre ». Que dire ? Je suis triste, je n’arrive pas à comprendre le pourquoi de la sculpture moderne et la négligence envers les décorations urbaines, traitez moi de vieux con conservateur inculte, ça me mettra du baume au cœur.
Le Train Bleu, ancien « Buffet de la Gare »
Ce magnifique restaurant, situé au premier étage de la façade et visible quand on est sur les plateformes bleues est un des hauts lieux de la gastronomie parisienne. Rien que pour admirer le style Empire, cette décoration flamboyante et éclectique, ça vaut le coup de goûter aux plats, d’offrir le restaurant à sa douce moitié. Succès garanti. Il fut inauguré en 1901, en pleine Belle Epoque, par le président de la république d’alors, Emile Loubet lui-même. En 1963, le Buffet de la Gare prend son nom actuel de « Train Bleu », en l’honneur des anciens trains de nuit « Paris-Vintimille ».
Pour pouvoir mesurer parfois l’étendue de la bêtise de beaucoup de personnes chargées de l’urbanisme dans les années 70, saviez-vous qu’on avait prévu de démolir le Train Bleu ? C’est l’intervention d’André Malraux en 1972, qui inscrit le Train Bleu aux monuments historiques qui sauva ce fabuleux endroit. Imaginez un peu, la Gare de Lyon aurait tout simplement perdu son âme, en plus d’un patrimoine historique inestimable, pour des raisons purement utilitaires et surtout financières.
Le Hall principal, plateforme bleue
C’est le cœur de la gare. C’est d’ici que l’on part, c’est d’ici que l’on arrive, et correspond aujourd’hui aux plateformes bleues. Les plateformes jaunes ont été construites en 1927, afin de répondre à la très forte croissance du trafic, qui fut encore amplifiée par le RER puis le TGV. La numération des quais « bleus » peut laisser perplexe, d’ailleurs, elle va de A à N, mais il n’y a ni quai B ni quai D. Même topo pour les quais de la plateforme jaune, allant de 5 à 23. Le Hall principal, monument de la ferronnerie de la toute fin du XIXe siècle, fait 220m de long sur 42 de large. La verrière est gigantesque et apporte une lumière naturelle très agréable.
La Salle des Fresques
La grande galerie des Fresques, qui relie les deux plateformes entre elles depuis 1927, est aujourd’hui la salle des guichets et la billetterie. Cet aménagement est assez détestable ! Les guichets cachent ce qui a donné son nom à cet endroit : les fresques. Il s’agit en fait d’une fresque monumentale, représentant les différents endroits traversés par le train, de Paris à Menton. On reconnaitra pour chaque ville son monument principal, et des scènes de la vie quotidienne d’une autre époque. C’est dommage ce manque de mise en valeur, on dirait presque qu’on a eu honte de cette jolie fresque, cachée derrière d’immondes guichets qui sont certes bien pratiques, mais laids. Il y avait sûrement une solution pour les rendre plus esthétiques ! Les boutiques de la Salle des Fresques, qui m’ont déjà sauvé la vie plusieurs fois quand il faut faire un cadeau de dernière minute avant de partir sont elles bien intégrées et n’agressent pas le voyageur ou le promeneur qui regarde les trésors artistiques de la Gare de Lyon. On appréciera aussi les moulures de métal représentant des visages infernaux sur les grandes poutres qui soutiennent le plafond.
Ce n’est qu’en 1984 que la Salle des Fresques, ainsi que la façade de la gare furent classées. Pour moi, c’est aberrant. De tels monuments, même utilitaires, devraient être classés et préservés dès leur inauguration. Ce sont des trésors artistiques, contrairement a bon nombre de constructions de béton des années 70 que nous dynamitons sans état d’âme aujourd’hui, et heureusement.
Le Labyrinthe de la Gare
La Gare, en attendant son nouveau visage, propose aux voyageurs deux « plateformes », l’historique, la bleue, et la nouvelle, la jaune. Ce sont deux endroits bien distincts de la gare, et il faut traverser toute la Salle des Fresques pour aller d’une plateforme à l’autre. C’est assez chaotique, surtout quand on est attend de savoir à quelle plateforme notre TGV sera attribué. Il y a tellement de monde dans cette gare, surtout aux départs de vacances, qu’il est tout simplement impossible de trouver une place assise pour attendre ! Difficile également d’acheter à manger dans de telles conditions aux buvettes de la gare. Mais les nouveaux travaux sur la plateforme jaune viendront résoudre bon nombre de ces désagréments, du moins on l’espère, surtout que la SNCF a prévu une augmentation substantielle du trafic d’ici 2020 avec les différentes inaugurations de nouvelles LGV, lignes grande vitesse. On passera des 1000m² actuels de la plateforme jaune à plus de 4000 !
Tous ces aménagements, toutes ces années d’améliorations en continu, ont permis de faire circuler plus de gens, mais il faut vraiment connaître la gare par cœur pour s’y retrouver ! La gare est un vrai labyrinthe, où il est facile de s’y perdre, surtout si on y vient pour la première fois. Je pense que ça ne serait pas idiot de faire un guide de survie de la Gare de Lyon, distribué aux entrées. Comment aller d’une plateforme à l’autre quand on vient du métro ligne 14 et sa fameuse station remplie de végétation tropicale? Comment retrouver les arrêts de bus ? Et où sont les agences de location de voiture ? La signalétique actuelle n’aide pas le voyageur, trop discrète en général. C’est malheureux, c’est pourtant un élément fondamental pour un voyageur un peu perdu, on n’a pas tous la science infuse, même moi qui utilise cette gare depuis des années, je m’y perds !
Lorsque l’on revient tard dans la nuit de Marseille, après le dernier métro, il faut très souvent faire la queue pendant une heure pour avoir un taxi, petite astuce prendre le taxi rue de Bercy . C’est à ce moment là qu’on est bien contents en hiver d’avoir la gigantesque marquise, qui protège les voyageurs des intempéries parisiennes un minimum. Ce temps d’attente alourdit de beaucoup la durée totale du voyage finalement, et on se dit que ça ne valait pas tellement la peine de faire un TGV aussi rapide si c’était pour se retrouver à attendre bêtement son taxi si longtemps. Mais bon, pour être honnête, ce train, arrivant si tard, est également moins cher que les trains arrivant un peu plus tôt.
source et photos -parisfr